Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, n’a pas été reçu hier par le président Bouteflika mais par son Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Une visite éclair qui prête à différentes interprétations.
L’analyse la plus courante est celle qui consiste pour Nicolas Sarkozy de tenter de combler le fossé qui ne cesse de s’élargir entre les deux pays. Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, a effectué hier à Alger une visite dite « exceptionnelle ». Accompagné du conseiller diplomatique du président Nicolas Sarkozy, Jean -David Levitte, et du conseiller technique à la cellule diplomatique de l’Elysée chargé de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient, Nicolas Galey, M.?Guéant a été reçu par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, en présence du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, Abdelkader Messahel, et du secrétaire général de la présidence de la République, Habba El?Okbi, selon l’agence de presse officielle APS. Contrairement à ce qui avait été annoncé la veille par la presse, M.?Guéant n’a pas été reçu par le président Bouteflika.
Cela prête à différentes interprétations. Certains observateurs estiment que ce serait une manière pour le président Bouteflika d’exprimer sa colère quant aux dernières déclarations de Bernard Kouchner, qui conditionne l’amélioration des relations entre l’Algérie et la France par le départ du pouvoir (algérien) de la génération de l’Indépendance. Des propos qui visent en premier lieu le président Bouteflika, lui-même issu de cette génération. « L’audience, qui s’est déroulée à la résidence El Mithaq, a porté sur les relations algéro-françaises », précise l’APS. Rien n’a filtré sur la teneur des discussions. Selon une source diplomatique à Alger, cette visite de M.?Guéant a été décidée en très haut lieu, au début de la semaine dernière. Son objectif, souligne la même source, est d’exprimer la volonté des autorités françaises de faire avancer les choses et de sortir du tunnel dans lequel se trouvent coincées les relations entre les deux pays.
De nombreux contentieux
« Quelque part, le président Sarkozy veut montrer à quel point la France a besoin de l’Algérie et tient beaucoup à améliorer ses relations avec ce pays. Le déplacement de M.?Guéant s’inscrit dans cette trajectoire. Il est venu pour tenter de surmonter cette situation et faire sortir les relations bilatérales de leur impasse actuelle en renouant le dialogue », précise notre source. Ce froid dans les relations algéro-françaises, qui dure depuis des mois, s’explique notamment par les « griefs » retenus de part et d’autre, surtout du côté algérien. Alger semble irritée par, entre autres, le refus de la France de reconnaître les crimes coloniaux, la réouverture du dossier des moines de Tibhirine (à propos duquel le président Sarkozy a évoqué le « mensonge d’Etat ») et la lenteur dans le traitement de l’affaire du diplomate Mohamed Ziane Hasseni, arrêté à Marseille le 14 août 2008, parce que soupçonné d’avoir commandité l’assassinat en France de l’opposant algérien et citoyen français Ali Mecili en 1987.
Il y a aussi l’inscription, en janvier dernier, de l’Algérie sur la liste noire des pays à fort risque terroriste, mais aussi d’autres dossiers comme celui de la révision des accords de 1968 sur l’immigration et la lutte antiterroriste dans la région du Sahel. Côté français, les inquiétudes sont aussi d’ordre économique, avec les récentes mesures prises par le gouvernement algérien visant notamment à réduire les importations en instituant le crédit documentaire. A cela s’ajoute la proposition de loi sur la criminalisation du colonialisme français annoncée par un groupe de parlementaires algériens.
Une proposition de loi vertement critiquée par une partie de la droite française, qui est allée jusqu’à demander le report de la ratification de la convention sur le partenariat avec l’Algérie. Dans ce contexte marqué par un coup de froid sur les relations entre Alger et Paris, plusieurs visites ont été reportées. Il s’agit entre autres de celle que devait effectuer le président Bouteflika en France en juin 2009 qui a été renvoyée à une date ultérieure, de celle de Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, d’Eric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration et de l’Identité nationale, et celle que devait effectuer Bernard Kouchner en ce mois de février. Même si, aussi bien du côté français que du côté algérien, on avance « des contraintes de calendrier et d’agenda », ces « reports » semblent plutôt une sorte de rupture momentanée de dialogue entre les deux pays. Un dialogue que la France cherche aujourd’hui à renouer. A sa manière…
Par M. A. O., pour El Watan