Sonatrach, enfin causante, a confirmé dans un communiqué rendu public hier la résiliation du contrat pour le projet de développement du gisement de Gassi Touil conclu en 2004 avec le consortium espagnol Repsol et Gas Natural qu’elle accuse d’avoir manqué à leurs obligations contractuelles.
C’est un «fiasco industriel majeur», note l’entreprise nationale des hydrocarbures qui annonce une procédure d’arbitrage pour demander la «réparation du dommage substantiel qu’elle a subi en raison de l’inexécution par Repsol et Gas Natural de leurs obligations contractuelles». Ce sont de toute évidence les accusations de «politisation» et «d’interférence politique» lancées par les entreprises espagnoles qui contraignent Sonatrach à communiquer de manière plus claire sur les motivations, très économiques, qui l’ont amenée à dénoncer le contrat avec le consortium espagnol.
Les accusations espagnoles, relayées par la presse économique mondiale, étaient de nature également à nuire à l’image de sérieux de l’entreprise et à effrayer éventuellement ses partenaires internationaux. La communication était nécessaire. Même s’il faut quand même constater que Sonatrach est en retard de 24 heures et que la grille de lecture «politique» fait florès dans les médias internationaux qui à l’image du Financial Times et Les Echos croient sentir une «forte odeur de politique» dans la décision de Sonatrach. Le Financial Times voit dans la décision de Sonatrach de dénoncer l’accord un signe de plus de «l’autoritarisme croissant des pays riches en pétrole et en gaz».
L’entreprise Sonatrach sait en définitive qu’elle doit ramer pour contrecarrer cette lecture «évidente» dans la presse occidentale chaque fois qu’un conflit d’intérêt oppose des entreprises occidentales à des entreprises d’Etat dans le tiers-monde. C’est sans doute cela qui la pousse à être plus offensive en accusant les deux entreprises espagnoles d’être responsables d’un «fiasco industriel majeur». La «politisation» de l’affaire par le consortium espagnol ne vise qu’à masquer le fait qu’il n’a pas respecté ses engagements contractuels entraînant des «retards et des dépassements de coûts très importants».
Un litige qui se limite à Gassi Touil
Les entreprises espagnoles ont été incapables de redresser la situation «en dépit de nombreuses mises en garde de Sonatrach». Conséquence de ces retards, le projet qui devait être achevé en 2009 ne pourra l’être qu’en fin 2012 selon les propres estimations de Repsol et de Gas Natural. C’est considérable pour un projet sur lequel étaient adossés des engagements commerciaux lourds et qui risquent de mettre Sonatrach dans une situation délicate vis-à-vis de ses clients potentiels. C’est d’ailleurs à ce titre que Sonatrach engage une procédure contre les deux entreprises espagnoles en «réparation du dommage substantiel qu’elle a subi en raison de l’inexécution par Repsol et Gas Natural de leurs obligations contractuelles».
L’entreprise nationale a qualifié de regrettable «la tonalité politique gratuite» du communiqué de presse de Repsol et Gas Natural et leur «tentative d’attribuer de manière injustifiée la décision de résilier le contrat à l’Etat algérien». Le litige est entre des associés dans des entreprises et résulte d’un «fiasco industriel majeur» et, la précision est importante, «il se limite au projet de Gassi Touil» et ne concerne pas les autres engagements de Sonatrach, comme le projet Medgaz.
Bref, il n’existe pas une «politique» ciblant les intérêts espagnols au nom de considérations politico-diplomatiques… La précision n’est pas inutile… d’autant qu’en Espagne certains font feu de tout bois, allant jusqu’à voir la main de Sarkozy dans la révocation du contrat (voir ci-contre). Un comble quand on sait que la proposition du président français de conclure un partenariat stratégique entre Sonatrach et GDF a été accueilli avec fraîcheur à Alger.
Les officiels espagnols restent très prudents dans un souci clair de préserver les possibilités d’un arrangement. Après tout, Sonatrach qui, selon le journal El Mundo, s’intéresserait fortement à une prise de participation dans la deuxième compagnie pétrolière espagnole, Cepsa, n’a pas encore dévoilé ses intentions pour Gassi Touil…
M. Saâdoune, pour Le Quoidien d’Oran