Le militant algérien anti-corruption Djilali Hadjadj sera présenté devant le tribunal à Alger lundi. Arrêté le 5 septembre, alors qu’il s’apprêtait à se rendre à l’étranger, il est accusé de « faux usage de faux » dans une affaire de prescription de certificats médicaux au profit de son épouse. De nombreuses ONG y voient un prétexte pour faire taire cet homme connu pour ses positions très critiques à l’égard des mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la corruption.
Le docteur Djilali Hadjadj passera l’Aïd el-Fitr en prison. Le président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AALCC), et représentant de Trensparency International en Algérie, comparaitra lundi devant le tribunal d’Alger pour «faux et usage de faux ». Interpellé dimanche 5 septembre à l’aéroport de Constantine, au moment où il s’apprêtait à embarquer pour Marseille en compagnie de son épouse, il a été mis sous mandat de dépôt et incarcéré à la prison de Serkadji, à Alger. L’affaire concerne des certificats médicaux que Djilali Hadjadj a délivrés à son épouse en sa qualité de médecin. Cette arrestation ferait suite à une plainte qui aurait été déposée par la caisse nationale des assurances sociales (CNAS). Le 23 mai dernier, l’affaire a été jugée par défaut. Djilali Hadjadj et son épouse ont été condamnés respectivement à une peine de 3 ans et 1 an de prison ferme, assortie d’une amande de 5000 DA (500 euros). Mais, curieusement, ni lui ni sa campagne n’ont reçu de convocation de la justice pour être entendus ou jugés. Plus surprenant : durant les six mois qui ont précédé le mandat d’arrêt, Djilali Hadjadj a effectué plusieurs voyages à l’étranger sans avoir été le moins de monde inquiété par les autorités. « Mon mari n’a absolument rien fait de mal », affirme l’épouse de Djilali Hadjadj. Il se trouve qu’il m’a fait des certificats médicaux à l’hôpital où il travaillait en tant que médecin il y a quelques années.»
Les ONG préoccupées
Plusieurs ONG et associations des droits de l’homme soupçonnent, en fait, les autorités algériennes d’utiliser cette affaire pour intimider le militant qui a, à plusieurs reprises, critiqué les mesures prises par le gouvernement pour lutter contre la corruption. « Les autorités affirment que l’arrestation de Djilali Hadjadj fait suite à un différend d’ordre privé, sans lien avec ses activités journalistiques et militantes. Toutefois, au regard des moyens disproportionnés déployés par les autorités pour un simple litige de droit commun, on peut s’interroger sur les motivations réelles de certains secteurs du gouvernement », a souligné dans communiqué, mercredi, Reporters Sans Frontières. L’organisation est « inquiète que cette accusation soit un prétexte pour faire taire un homme qui n’a eu de cesse de dénoncer la corruption en Algérie ». De son côté, Transparency International a fait part dans un communiqué de sa « profonde préoccupation » dans cette affaire, appelant le gouvernement « à garantir sa sécurité et à respecter le code de procédure criminel du pays ». Pour le président de la Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), Hocine Zahouane, il y a un « voile autour de cette affaire; nous nous rendrons au tribunal lundi pour y voir plus clair». La LADDH s’est dite préoccupée dans un communiqué la veille par une telle « procédure concernant une personne publique bien connue alors qu’il aurait suffit d’un simple avis pour qu’elle se rendre auprès du juge d’instruction. »
Djilali Hadjadj a écrit deux livres sur la corruption en Algérie. Il anime, depuis quelques années, une page hebdomadaire sur la question dans le quotidien Le soir d’Algérie.
Il avait récemment était très critique à l’égard des décisions du président Abdelaziz Bouteflika sur la lutte contre la corruption. Ses avocats espèrent le faire libérer dès lundi.