Algérie : pas de loi sur la criminalisation du colonialisme


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La proposition de loi incriminant le colonialisme français (1830-1962) n’aboutira pas. Son sort serait définitivement scellé. Soumis au gouvernement pour examen et adoption, le projet, initié par 150 députés (de différentes tendances), est carrément ignoré.

Ce n’est finalement qu’un coup d’épée dans l’eau. L’Exécutif n’a réservé aucune réponse à ce projet, alors que le délai réglementaire (deux mois après l’envoi de la mouture finale par le bureau de l’APN) a expiré à la fin du mois d’avril dernier. Il jette ainsi la balle au bureau de l’Assemblée populaire nationale (APN) qui, conformément à la loi, devrait déférer systématiquement la proposition à la commission juridique pour examen.

De son côté, le bureau de l’APN n’a rien entrepris. Ce qui fait croire aux initiateurs de cette proposition et aux députés de l’APN qu’il y a une volonté d’enterrer définitivement le projet. « Le ministre français des Affaires étrangères avait affirmé que le Parlement algérien n’adoptera pas cette loi. Ses dires sont en train de se concrétiser », déclare Mohamed Hadibi, député du mouvement Ennahda à l’APN et un des initiateurs du projet. Ce dernier s’en prend d’abord au gouvernement qui, dit-il, refuse « de prendre ses responsabilités de défendre l’Algérie et la mémoire de ses martyrs ». « La réponse de l’Exécutif n’aura aucun effet car le délai réglementaire est dépassé. Cela confirme que le gouvernement ne veut pas d’un affrontement direct avec son homologue français », soutient-il. Pour Boubekeur Darguini, chef du groupe parlementaire du RCD à l’APN, « il est clair que les tenants du pouvoir ne veulent pas d’une telle loi ». Dans le même sens, Moussa Abdi, député FLN, un des initiateurs de la proposition, déplore la frilosité de l’Exécutif par rapport « à une initiative capitale pour la défense de la mémoire du peuple algérien souillée par la loi française du 23 février 2005 ».

Humiliation supplémentaire pour les députés

Mais, dit-il, le silence du gouvernement « est, en soi, une réponse positive ». « Maintenant, le bureau de l’APN devra prendre ses responsabilités », lance-t-il. Pourquoi ne le fera-t-il pas, alors ? « Je crois que l’APN convoquera prochainement une réunion spéciale pour débattre de ce projet », rétorque-t-il. Ce n’est pas acquis. Car, estime Mohamed Hadibi, la majorité présidentielle, composée du FLN, du RND et du MSP, bloque le projet. « Ils ont reçu des instructions de leurs chefs hiérarchiques, qui sont également des membres du gouvernement, pour bloquer l’initiative », dit-il. C’est l’avis de Boubekeur Darguini. « La tendance majoritaire au Parlement qui est issue de la fraude électorale ne veut pas ou n’osera pas prendre ses responsabilités », ajoute-t-il.

Mais avant de signer la mort de l’unique initiative parlementaire, les initiateurs du projet tentent de sauver l’honneur. « Nous n’allons pas nous taire et nous ne resterons pas les bras croisés. Nous allons saisir officiellement le président de l’APN pour lui rappeler les dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée », soutient encore Mohamed Hadibi. C’est en tout cas la dernière chance pour les parlementaires de sauvegarder le peu de crédibilité dont ils disposent actuellement. Car un rejet de cette proposition serait synonyme d’une humiliation de trop…

Par Madjid Makedhi pour El Watan

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