Au sommet arabo-islamique de Riyad qui vient de se tenir, les annonces du Président algérien Abdelmadjid Tebboune ont marqué les esprits par des initiatives fortes en faveur de la Palestine, proposant son admission comme membre à part entière de l’ONU et appelant à des sanctions contre Israël. Une posture qui contraste avec celle du roi Mohammed VI, qui s’est fait représenter alors même qu’il préside le Comité Al-Qods. Bien que réaffirmant oralement son soutien à la cause palestinienne, le souverain marocain adopte une position plus mesurée, reflétant l’équilibre complexe entre ses engagements historiques et ses nouvelles alliances stratégiques avec Israël.
Une diplomatie marocaine sous le signe de la complexité
Dans son discours relayé par le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, Mohammed VI a insisté sur l’importance de la solution à deux États et sur la nécessité de « barrer la route aux extrémistes de tous bords« . Bien que réitérant l’engagement du Maroc envers la cause palestinienne, le ton mesuré et l’absence de condamnation explicite des actions israéliennes traduisent une approche diplomatique prudente. Cette posture s’inscrit dans le contexte de la normalisation des relations avec Israël, officialisée en décembre 2020, dans le cadre des accords d’Abraham, en échange de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Cette position nuancée pose question au regard du rôle historique du Maroc à la tête du Comité Al-Qods, un organe de l’Organisation de la coopération islamique présidé par le roi Mohammed VI et chargé de la préservation du caractère arabo-musulman de Jérusalem et du soutien à ses habitants palestiniens. L’accent mis sur des actions humanitaires, comme les aides transitant par l’Agence Bayt Mal Al-Qods Acharif, semble en décalage avec l’urgence politique et militaire dans la région.
Les orientations diplomatiques marocaines à l’épreuve des faits
L’accueil de navires soupçonnés de transporter des armes vers Israël dans le port de Tanger-Med, en juin 2023 puis à nouveau en novembre 2024, illustre les nouvelles orientations diplomatiques marocaines. Alors que Madrid, adoptant une position ferme, a refusé l’accès de ses ports à ces cargos, le Maroc a fait le choix inverse. Cette décision s’inscrit dans le prolongement du développement des relations maroco-israéliennes, marquées notamment par des accords de coopération militaire et économique depuis la normalisation avec le transfert de technologie, notamment d’espionnage et de surveillance.
La position algérienne : une continuité historique
À l’inverse, Abdelmadjid Tebboune a affiché une position sans équivoque en faveur de la Palestine, s’inscrivant dans la continuité de l’engagement historique de l’Algérie. Depuis son indépendance, en 1962, l’Algérie a fait de la cause palestinienne l’un des piliers de sa politique étrangère, étant l’un des premiers pays à reconnaître l’OLP, en 1974, et maintenant constamment son soutien diplomatique et matériel à la Palestine.
En proposant des mesures concrètes telles qu’un embargo sur les armes et en soutenant la reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU, l’Algérie réaffirme sa position historique. Le président algérien a également appelé à une mobilisation internationale pour mettre fin aux violences, soulignant les risques d’une remise en cause des droits fondamentaux du peuple palestinien.
Une fracture maroco-algérienne amplifiée
Le contraste entre l’engagement constant de l’Algérie et l’évolution de la position marocaine reflète une fracture profonde dans les approches diplomatiques des deux pays. Alors que Rabat privilégie une stratégie pragmatique dictée par des intérêts géopolitiques, notamment liés au dossier du Sahara occidental, Alger maintient une position de principe qui renforce son influence diplomatique dans le monde arabe.
Cette divergence met en lumière les défis auxquels les deux pays sont confrontés. Pour le Maroc, il s’agit de concilier ses nouvelles alliances stratégiques avec les intérêts économiques des personnalités influentes du Royaume. Pour l’Algérie, le défi consiste à traduire son engagement diplomatique en résultats concrets pour la cause palestinienne, dans un contexte régional en pleine mutation.
Une divergence qui reflète autant des choix stratégiques distincts que des visions contrastées du rôle que devrait avoir les pays du Maghreb sur la scène internationale.