Le Maghreb des peuples, plus fort que le Maghreb des politiques ? Certains veulent y croire. Les imitativités citoyennes se multiplient pour la réouverture des frontières terrestres entre le Maroc et l’Algérie, fermées depuis 1994. A travers des projets artistiques, sportifs, des pétitions, des milliers d’Algériens et de Marocains se mobilisent pour la réouverture des frontières. Avec un seul mot d’ordre : frères pour toujours.
L’ouverture des Frontières entre le Maroc et l’Algérie est-elle possible ? Ils sont des milliers, à croire qu’un jour Marocains et Algériens pourront se déplacer en toute liberté d’un bout à l’autre du Maghreb. L’association Algérie-Maroc, qui milite depuis plus d’un an pour la réouverture des frontières, en fait partie. Les instigateurs de cette démarche, qui regroupe de simples citoyens, ont trouvé dans un Internet un terrain d’action à travers lequel ils espèrent réussir là où la « diplomatie a échoué ». Sous le slogan « Tous ensemble pour les frontières algéro-marocaines », son président, Abdelghani Bensaid, a lancé sur son site en avril 2009 une pétition qui a permis de recueillir plus de 14 000 signatures. Entre Marocains, Algériens mais aussi Européens pris de sympathie pour l’initiative. La pétition est accompagnée d’un appel solennel pour la normalisation entre les deux pays. Une supplique poignante. « Nous citoyens marocains et Algériens (…), ayant fait avec objectivité et réalisme le triste constat du gâchis économique, social et culturel engendré par tant d’années d’incompréhensions, par la séparation de familles entières, de frères depuis toujours, d’amis proches et de voisins, tous inconsolables à présent de cette déchirure, ignorons les malentendus (…) pour éclaircir les horizons de notre région vers (…) une reprise (…) mutuellement avantageuse pour les populations frontalières et pour l’ensemble des citoyens Marocains et Algériens qui en appellent, aujourd’hui de tous leur voeux à cette normalisation tant espérée ». L’association devait également organiser une marche ainsi qu’une conférence internationale à Rabat autour du thème du l’ouverture, «un gage d’avenir prometteur pour les peuples maghrébins ».
« Même terre, même pierre, même vent »
Dans la région de Tlemcen, les automobilistes ont pris l’habitude de faire des haltes sur une route longeant la frontière, se saluant de part et d’autre d’une mince bande de terre, échangeant des signes de la main et des coups de klaxons, se filmant les un les autres, essayant de glaner des nouvelles d’amis, de membres de la famille. Un amalgame de désir et de frustration que les stars marocaines et algérienne du raï, le groupe Fnaïr et le chanteur algérien Cheb Bilal, ont pu saisir dans Goulih Gouleh (Dis-lui avec l’accent marocain, puis algérien), une chanson devenue un hit sur le site de partage de vidéos Youtube. « L’Algérie est mon pays, ouvrez-nous sa porte ; le Maroc est mon pays, sa terre m’a vu grandir », clame le refrain. « Il faut en finir avec ce conflit, ces problèmes. Nous avons les mêmes traditions, beaucoup de choses en commun », plaide, posté à un bout de frontière, l’un des membres de Fnaïr. « Même terre, même pierre, même vent, même oxygène », renchérit un autre, en indiquant l’autre côté de la route, l’Algérie à 100 mètres peine, si proche qu’il pourrait la toucher du doigt. « Si un Algérien ou un marocain voit ce que nous sommes en train de voir et qu’il n’est n’a pas la chair de poule, Wallah il ne possède par un gramme de patriotisme », lance, excédé par le spectacle, un troisième. On se souvient que la rue marocaine avait vibré pour l’équipe d’Algérie de football à l’occasion de sa qualification pour la Coupe du Monde en novembre dernier. Les chaînes de télévisions marocaines montraient en boucle des scènes de foules à Rabat et Marrakech scandant « one, two, three, viva l’Algérie », en brandissant des drapeaux algériens. Les Algériens étaient d’abord étonnés, puis amusés et enfin émus de cet élan de sympathie spontané de leurs voisins.
Le Maghreb des peuples
Les frontières entre le Maroc et l’Algérie avaient été ouvertes, pour la première fois depuis 15 ans, en février 2009 pour laisser passer un convoi d’aide humanitaire vers Gaza, puis refermées aussitôt. « Pas d’ouverture tant qu’il n’y pas une action commune sur la lutte antiterroriste, l’immigration clandestine et le trafic de drogue », avait déclaré Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du FLN. Malgré les appels répétés du Maroc, les autorités algériennes rechignent à rouvrir les frontières. Outre le conflit du Sahara Occidental, qui mine les relations entre les deux pays depuis plus de 30 ans, Alger n’a toujours pas digéré la décision de Rabat de fermer unilatéralement les frontières à la suite des attentats de Marrakech de 1994. Pour l’instant, il semble qu’on devra se contenter du Maghreb des peuples.
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