Les autorités politiques algériennes semblent avoir enfin compris l’importance stratégique de disposer d’une diaspora forte et dynamique dans les pays des grandes puissances de ce monde. Les affaires étrangères viennent, en effet, d’instruire les chancelleries algériennes à l’étranger, notamment en Europe et aux Amériques, de s’ouvrir sur les communautés et leur fournir aides et assistance pour s’affirmer dans les pays d’accueil.
Cette feuille de route n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd puisque le consul général d’Algérie en France, Abderrahamane Meziane Chérif, a réuni, il y a quelques jours (lire l’article de Rémi Yacine), les représentants du mouvement associatif algérien en France pour leur faire part de ce que l’Algérie attend d’eux. Et de l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, son homologue, Abdelaziz Sebaâ, lui renvoie l’écho, en appelant les associations algériennes à « constituer un réseau de solidarité et d’entraide ».
La simultanéité des deux initiatives prouve au moins une chose : les décideurs d’Alger ont changé de stratégie dans leur façon de considérer la communauté algérienne à l’étranger. On n’en est désormais plus dans l’incantation patriotique ressortie à chaque rendez-vous électoral. Le pouvoir d’Alger veut rompre avec sa fâcheuse manie de se rappeler des « émigrés » uniquement quand il a besoin de leurs voix, à l’occasion des scrutins. Il entend, dorénavant, tirer le meilleur de ses enfants qui, dans la majorité, occupent des postes stratégiques dans leurs pays d’accueil, notamment les émigrés bardés de diplômes de la dernière génération. Pour cause, depuis la fameuse Amicale des Algériens en Europe, l’Algérie est restée orpheline d’une représentation associative digne de ce nom et sa diaspora disséminée et séparée de la mère patrie dont elle ne garde que les couleurs de l’emblème en souvenir.
Diplomatie parallèle
Pendant ce temps, beaucoup de pays arabes, ayant compris l’enjeu d’avoir un appui associatif, ont constitué des lobbies érigés en véritables courroies de transmission de leurs politiques pour défendre les intérêts de leurs pays respectifs. Il n’est qu’à voir l’activisme des associations marocaines en France, en Espagne, en Hollande et en Belgique et même aux Etats-Unis qui relayent la propagande de Sa Majesté par rapport au dossier sahraoui. L’Algérie, elle, a terriblement souffert, durant les années de braise, de l’image qu’on donne d’elle dans les capitales occidentales, à laquelle nos honorables ambassadeurs n’ont pu faire face. Une image en partie rendue possible par ce constat de carence d’une société civile algérienne à l’étranger réduite à pleurer sur un pays dont elle se détachait jour après jour. Mieux vaut tard que jamais. Le fait que le gouvernement algérien a pris maintenant conscience de l’importance, mais surtout de la nécessité d’encadrer ses ressortissants d’ailleurs, notamment dans les grands pays, est déjà un pas en avant dans le processus visant à créer une sorte de diplomatie parallèle au grand bénéfice du pays.
« Il est nécessaire d’élargir notre vision dans le cadre d’une nouvelle démarche, en favorisant la création d’associations socioprofessionnelles d’un type nouveau. » Ce propos du consul général d’Algérie en France résume parfaitement ce souci, nouveau, de rétablir les liens entre l’Algérie et ses enfants. M. Sebaâ, lui, appelle publiquement les Algériens du Canada à « s’affirmer en tant que minorité visible ». C’est dire que les autorités algériennes semblent avoir décidé d’investir le terrain du lobbying en Europe et aux Etats-Unis, à l’effet, pourquoi pas, de peser sur les décisions de leurs pays d’accueil, tout au moins, contrer la propagande anti-algérienne qui a le vent en poupe depuis plus d’une décennie. Il n’est sans doute pas fortuit de voir les acteurs français de la prochaine présidentielle s’astreindre au crochet d’Alger. Le poids de notre communauté oblige les prétendants, y compris le mal aimé Sarkozy, à draguer ces Algériens de France. Il est loisible d’imaginer la force de frappe et le poids qu’aurait un lobby organisé des Algériens de France sur les enjeux politiques. En France et en Algérie.
Hassan Moali, pour El Watan