Jean-Paul Labourdette, directeur de collection au « Petit Futé », persiste et signe : « c’est notre vision », a-t-il rétorqué jeudi à l’article publié deux jours plutôt par El-Watan, qui accusait le célèbre guide de voyage de stigmatiser l’Algérie. L’éditeur concède néanmoins que, pour la prochaine édition, deux ou trois phrases seront « peut-être » modifiées.
«L’Editeur français est, à n’en point douter, très culotté ». La flèche est décochée par le quotidien El-Watan au directeur de collection du Petit Futé, Jean-Paul Labourdette. Le journal algérien publiait mardi un article indigné sur le guide touristique, lui reprochant de stigmatiser l’Algérie. Les passages épinglés par le journaliste dessinent le portrait d’un pays «terreau de la frustration et de la jalousie, un peuple sensible uniquement aux ingérences étrangères, des hommes machos plus qu’ailleurs dans le monde, une jeunesse formée de crétins-frustrés, de pervers et de psychopathes, un quotidien sale, une hôtellerie archaïque et une milice à la solde de forces spéciales. »
L’éditeur rétorquait jeudi sur le site Rue 89 que le guide n’avait rien de stigmatisant : « Je ne vois pas pourquoi l’auteur n’aurait pas le droit d’écrire l’analyse qu’il fait de la société algérienne telle qu’il l’a ressentie. Une partie des extraits critiqués figuraient d’ailleurs dans les éditions précédentes et il n’y a jamais eu de problème ». Le guide a « été relu par nous et validé par le bureau de la censure des autorités algériennes », a-t-il précisé. Et de justifier : « Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas décrire notre vision. Surtout que des dizaines d’articles dans la presse européenne relatent ces faits, par exemple sur la situation des femmes, la corruption, le système économique du pays. » Jean-Paul Labourdette va encore plus loin en jetant la suspicion sur le journal El Watan : « Qui et pourquoi s’en prend-on au “Petit Futé” ? ». Il concède néanmoins que pour la cinquième édition, à paraître d’ici quelques semaines, « deux ou trois phrases seront peut-être modifiées » à la marge, mais pas « ce qui rend compte de réalités factuelles », confie-t-il à Rue 89.
Morceaux choisis
Voici quelques morceaux choisi parmi les passages du guide qui suscitent la polémique :
Page 105 : «Le nouveau code de la famille présenté par Bouteflika en mars 2005 est loin d’être satisfaisant. L’idéologie islamiste a complètement assombri le regard des hommes sur les femmes. On voit, mais on ne connaît pas la femme. On ignore ou on en veut à celle qui par sa seule existence vous attirera dans les filets du mal. Comme ailleurs, et peut-être plus qu’ailleurs, les femmes sont souvent rabaissées, voire battues… Il est toujours normal pour un homme algérien de lever la main sur sa femme, sa petite amie, sa fille. »
Page 105 : «Pour certaines femmes, participer aux réunions religieuses et à la prière du vendredi (…) est la seule occasion de sortir du domaine privé qu’est le foyer.»
Page 106 : «Les crétins frustrés ne s’abstiennent pas ici qu’ailleurs et il reste difficile, voire impossible, de faire certaines choses comme de s’asseoir seule à une terrasse de café même dans les grandes villes. Et, amies, gardez à l’esprit que les ragots et les médisances naissent et prospèrent très rapidement dans le terreau de la frustration et de la jalousie.»
Page 106 : « A Alger ou à Oran, de Club des Pins aux cabarets les plus miteux en passant par les restaurants, les bars d’hôtel et bien sûr internet et les sites de rencontre, des dizaines de filles cherchent une vie meilleure malgré les tabous, malgré le hidjab facilitant paradoxalement les choses, qui pour un cadeau, qui pour un dîner sortant de l’ordinaire, qu’on appartienne à la classe moyenne (s’il en reste une !) ou qu’on soit plus défavorisé… la prostitution est plus visible qu’on aurait pu l’imaginer dans la rue, dans les hôtels, très fréquentés l’après-midi, les bars de ces mêmes hôtels, les lieux de sortie nocturne ».
Page 145 : « S’il est devenu facile de trouver des bars où l’on serre de l’alcool à Alger, il en va autrement dans d’autres villes et a fortiori à l’intérieur du pays. Les bars sont certes des lieux de convivialité mais aussi et surtout des lieux où les clients viennent pour s’enivrer ou pour oublier (alors que bien souvent les Algériens ont le vin triste) et il n’est pas rare d’y croiser des femmes.»
Page 462 : «Principale particularité qui peut être un problème : la pénurie de l’eau ! Dans les toilettes des lieux publics ou même chez les particuliers, l’eau est stockée dans un récipient qu’on déverse dans la cuvette (sans exagérer sur la quantité) en guise de chasse d’eau. Dans la plupart des cas, comme il n’y a pas du tout- à-l’égout, on ne jette rien dans la cuvette. Une poubelle est presque toujours mise à disposition. Il s’agit juste de s’y habituer ! Autre particularité : il n’y a presque jamais de papier toilette»