En Algérie, Saïd Bouteflika serait sur des charbons ardents. Le frère du chef de l’Etat, Abdelaziz Bouteflika, serait en passe de voir son monde s’effondrer, à force de manœuvres politiques maladroites, pour ne pas dire dangereuses. C’est du moins l’analyse faite par Ihsane El Kadi du journal Huffpost, qui est convaincu que seul le général Toufik peut sauver Saïd Bouteflika.
Les signaux se sont accumulés, ces dernières semaines, qui ouvrent une brèche béante dans l’unanimité affichée, l’été dernier, en faveur d’une candidature du Président Bouteflika pour un 5ème mandat présidentiel, en avril prochain. Moad Bouchareb, le nouvel homme fort du FLN, réserve sa réponse sur l’identité du représentant de son parti à la Présidentielle, moins d’un mois après que son prédécesseur, Djamel Ould Abbes débarqué depuis, ait poussé le zèle jusqu’à annoncer officiellement que Abdelaziz Bouteflika avait été choisi pour défendre les couleurs du FLN, en avril prochain.
Amar Ghoul, le président de TAJ, membre inamovible de la majorité présidentielle, a commis une sortie de route, la semaine dernière, en appelant à la tenue d’une « conférence nationale inclusive » sous le patronage certes de Abdelaziz Bouteflika, mais avec cette précision « la conférence nationale serait l’essentiel, l’élection d’avril prochain, le secondaire ». Comprendre bien que l’enjeu de faire réélire le Président sortant n’est plus le plus important dans la conjoncture actuelle.
Ce qui a marché depuis 2013 s’est grippé
La dégradation du scénario du 5ème mandat est totalement liée à celle de l’état de santé du Président. Abdelaziz Bouteflika qui va mal. De plus en plus mal. Il pourrait ne pas pouvoir signer, à la fin du mois de décembre, la promulgation solennelle de la loi des finances pour 2019. Les jours où son entourage peut encore se réclamer de son autorité pour gérer les affaires de l’Etat et préparer les élections paraissent de plus en plus comptés.
Un homme, son frère Saïd Bouteflika, gère, depuis le 27 avril 2013, date de l’AVC présidentiel, cette situation de délégation de pouvoir non écrite. Il a réussi à maintenir l’autorité du clan depuis le creux de l’été 2013, lorsque le Président était encore au plus mal à l’hôpital, puis en convalescence à Paris. Il a continué à le faire jusqu’à cet été 2018. Mais la concomitance de l’approche de l’échéance présidentielle d’avril 2019 avec une nouvelle dégradation de l’état de santé de son frère président aurait dû l’amener à changer de registre dans l’administration de l’autorité présidentielle.
Faute de l’avoir fait à temps, Saïd Bouteflika a commencé à perdre de son influence les dernières semaines et s’apprête à en perdre davantage dans les prochaines semaines lorsqu’il se précisera probablement que l’ère temporelle de la présidence Bouteflika n’ira pas au delà du terme de son 4ème mandat. Sauf à imaginer un blocage institutionnel déclencheur d’une crise politique majeure dans le pays. Saïd Bouteflika aurait-il pu, face au déclin physique avéré de son frère, éviter cette hémorragie du pouvoir de la maison des Bouteflika qui se profile devant lui ?
Saïd n’a pas osé transgresser l’interdit de Abdelaziz
Le clan Bouteflika aurait pu demeurer décisif et dominer plus longtemps dans la conjoncture politique de ce semestre pré-électorale. Il l’aurait pu à la condition de peser, de manière décisive, sur la désignation du candidat du système au printemps prochain. L’homme qui était en meilleure position pour désigner un successeur au Président Bouteflika, en avril prochain, était encore… Abdelaziz Bouteflika lui-même, sans doute jusqu’au printemps dernier, avant sa dégradation estivale. Or, il n’a jamais voulu travailler sur ce scénario de la succession adoubée…
Par Ihsane El Kadi (Huffpost)