Algérie : pénurie de papier, l’état mis en cause


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Un rouleau de papier d'impression
Un rouleau de papier d'impression

Les imprimeurs publics n’ont plus de papier en stock. L’Etat algérien est mis en cause par le quotidien El Watan. Pour le directeur de la rédaction, Ahmed Ancer, clientélisme, incompétence et lutte contre les titres indépendants sont les mamelles de cette crise. Interview.

La pénurie de papier prend un tour dramatique en Algérie. La plupart des imprimeurs publics n’ont plus qu’une à deux semaines de papier en réserve. Le PDG de l’Algérienne de Papier (ALPAP) a déclaré être en rupture de stock. La faute aux cours qui flambent sur le marché. Mais surtout, à l’Etat algérien, selon le directeur de publication du quotidien El Watan, Ahmed Ancer, qui mettrait son incompétence au service d’une lutte sans merci contre la presse indépendante.

Afrik : Le PDG de l’Algérienne de papier, M. Guessab, affirme avoir averti le gouvernement du risque de pénurie, le mois dernier. Pourquoi l’Etat n’a-t-il rien fait ?

Ahmed Ancer : L’Etat algérien est plongé dans une situation inextricable du fait de son incapacité à gérer un secteur qu’il a voulu conserver en dépit du bon sens. Au lieu de libérer les éditeurs au début des années 90, il a conservé un strict monopole sur l’importation du papier.

Afrik : Pourquoi souhaite-t-il garder un secteur qu’il gère aussi mal ?

Evidemment, ce choix répond à des motivations politiques. La télévision, la radio sont étroitement contrôlées par le pouvoir. Mais celui-ci n’a pas pu empêcher l’émergence d’un petit espace dans la presse écrite, où se sont engouffrés quelques titres indépendants. Pour faire pièce à ce mouvement, les différents cercles du pouvoir ont soutenu la floraison de journaux mieux disposés à leur égard. Or, ces titres, soit environ 70% de la presse écrite dans ce pays, ne paient pas les imprimeurs publics. Résultat : on a recours au découvert pour importer le papier. Mais au final, pour peu que le prix du papier augmente, l’importateur se retrouve sans liquidités. Incapable de faire face à la demande. Résultat encore : tous les titres sans exception doivent réduire leur parution et publier sur du méchant papier issu des vieux stocks, qui se déchire dans les rotatives.

Afrik : Puisque l’Etat veut garder la main sur les imprimeurs pourquoi n’efface-t-il pas l’ardoise ?

A.A : Mais l’Etat ne cesse d’injecter des liquidités, finançant sa presse avec l’argent des contribuables et surtout le nôtre. Car bien sûr, seuls les titres indépendants comme El Watan, El Khabar ou Le Quotidien d’Oran paient leur écot. Le pouvoir joue dans cette affaire le rôle du pompier pyromane. Quand il ne met pas à contribution une banque publique, il puise carrément dans le Trésor.

Afrik : Que sait-on du déficit accumulé par les imprimeries d’Etat ?

A.A : Rien. L’opacité est telle qu’on se demande ce que les gestionnaires font de l’argent. Nous avons réalisé nos propres études afin de voir s’il valait le coup de se doter de notre propre imprimerie. Calculs faits, l’exemplaire nous reviendrait à moins de six dinars, alors qu’actuellement il nous en coûte sept dinars. L’Algérie est le seul pays au monde où le coût de l’exemplaire ne baisse pas quand le tirage augmente.

Afrik : Pourquoi ne vous dotez-vous pas de vos propres rotatives ?

A.A : Figurez-vous qu’avec El Khabar nous avons acheté une rotative ultra moderne. Elle est bloquée au port d’Alger depuis 75 jours. Ce qui nous coûte 5000 dinars par jour…

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