La marche pour le « changement du système » prévue samedi dans plusieurs villes d’Algérie est maintenue malgré l’interdiction signifiée par les autorités. On s’achemine vers un véritable bras de fer entre le pouvoir et l’opposition, requinquée par le vent de révolte qui secoue actuellement le monde arabe.
L’Algérie retient son souffle. La marche de samedi à laquelle appelle la nouvelle Coordination nationale pour le Changement et la Démocratie (CNCD), à Alger et dans plusieurs autres villes du pays, est maintenue, bien qu’interdite par les autorités. Comment va réagir le pouvoir ? Va-t-il la réprimer ? Les foules seront-elles au Rendez-vous ? Il s’agit d’un véritable test autant pour l’opposition que pour le pourvoir.
Née le 21 janvier dans au lendemain des émeutes dites de la vie chère qui ont fait 5 morts et plus de 800 blessés, la Coordination appelle à « changer le système » en Algérie. Chômage, corruption, mal-vie, les maux son nombreux dans un pays où 70% de la population a moins de 30 ans.
Cette marche intervient dans un contexte très délicat, marqué par un vent de révolte sans précédent dans les pays arabes. La CNCD a largement été « encouragée » dans sa « démarche pacifique » par les révolutions de Tunisie et d’Egypte, affirme l’un de ses fondateurs, l’écrivain-universitaire Fodil Boumala. Craignant une contagion de la révolution tunisienne qui a provoqué la chute de Zine El Abidine Ben Ali et le soulèvement en cours en Egypte qui a ébranlé le régime de Hosni Moubarak, le pouvoir algérien a multiplié les promesses d’ouverture ces derniers jours.
Le président Bouteflika, au pouvoir depuis 1999, avait ainsi annoncé le 3 février dernier la levée prochaine de l’état d’urgence, l’une des principales revendications de l’opposition. Cette mesure d’exception est en vigueur depuis février 1992. Dans la foulée, il avait affirmé que la télévision et la radio doivent « assurer la couverture médiatique de l’ensemble des partis et organisations nationales agréés en leur ouvrant équitablement leurs canaux », rapporte l’agence officielle APS.
Plan anti-marche
Les autorités algériennes comptent néanmoins tout faire pour empêcher la marche de samedi. Quelque 30 000 policiers ont été acheminés de différentes wilayas du pays vers la capitale, affirme le journal Al-Khabar. Le Wali d’Alger, Mohamed Kebir Addou, a tenu mardi 8 février une réunion avec plusieurs responsables locaux dont le directeur pour préparer un plan anti-marche, révèle le quotidien en ligne TSA-Algérie. L’objectif est d’empêcher cette manifestation en déployant un nombre impressionnant de policiers autour de la place du 1er du Mai, d’où devrait démarrer la manifestation, et dans les quartiers populaires d’Alger dont le très sensible Bab El Oued, foyer des émeutes de la vire chère du début d’année, ainsi que plusieurs cités universitaires. Un déploiement policier massif est également prévu dans les autres villes concernées par la manifestation, comme Boumerdès, sur la côte est, et Bejaïa et Tizi Ouzou en Kabylie. A Oran, dans l’ouest, les manifestants n’ont pas eu l’autorisation de marcher. Mais la CNCD maintient sa marche. Jeudi, des militants locaux de la plus grande ville de l’ouest algérien étaient encore en train de distribuer des tracts dans les écoles, les universités et divers centres et commerces, invitant les Oranais à se rendre samedi Place du 1er Novembre, où se trouve la mairie, pour réclamer le changement et la démocratie. Le même jour trois étudiants membres de la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme (Laddh) ont été arrêtés par la police pour avoir distribué des tracts dans le centre ville d’Oran, selon Algérie-Focus. Et ils n’ont toujours pas été relâchés.
Anciens militaires exigeant la revalorisation de leur traitement, chômeurs réclament du travail devant le ministère du Travail, lycéens se plaignant de la lourdeur des programmes, universitaires dénonçant des programmes inadaptés, employés de divers secteurs réclamant des hausse des salaires (près de 100 000 personnels du paramédical en grève illimitée) : l’Algérie vit depuis des semaines déjà au rythme des grèves, des manifestations et des immolations qui s’enchainent à un rythme infernal. «La muraille de la peur s’est effondrée, constate Fayçal Métaoui, journaliste au quotidien El Watan, dans un entretien au journal L’Hebdo. Le contexte international est idéal pour que le peuple se révolte. Depuis la chute de Ben Ali, le train est en marche et nul ne pourra l’arrêter ».