De nouvelles manifestations secouent l’Algérie, depuis le week-end dernier. Des gardes communaux aux journalistes, en passant par les étudiants, tous ont de nouveau exprimé leur colère en organisant des marches et des sit-in, au cours desquels sont intervenues les forces de l’ordre.
Les autorités algériennes sont sur le qui-vive. Des centaines d’étudiants ont été empêchés de marcher, mardi, à Boumerdès. Et suite à la violente agression d’un étudiant par le recteur de l’université de Béjaia, Merabet Djoudi, les étudiants de l’université ont brûlé le rectorat. Le ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia, a menacé, lundi, d’exclure du corps de sécurité tous les gardes communaux ayant pris part aux mouvements de protestation. Par ailleurs, des responsables des différentes chaînes de la Radio nationale ont été démis de leurs fonctions. La cause : le sit-in observé dans la matinée de dimanche par une cinquantaine de journalistes.
Etudiants en colère
Les étudiants en colère dénoncent l’organisation de la réunion du 27 mars qui s’est tenue avec les représentants des organisations satellitaires et non avec les délégués des universités du pays. Mécontents du déroulement de cette réunion, ces étudiants avaient, mardi matin, l’intention de défiler pour exprimer leur colère à l’encontre du ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, Rachid Haraoubia, l’accusant de rester indifférent face à leurs revendications. Ils exigent la démocratisation et la modernisation de l’université algérienne. Mais en début de matinée, un comité d’accueil, pour le moins surprenant, attendait les étudiants de la faculté des sciences de l’ingénieur de Boumerdès.
Les forces de l’ordre ont fait barrage aux étudiants souhaitant quitter l’université. Pour les contenir, la police a fait usage des matraques, et ce, malgré les cris et le rappel que la marche devait être pacifique. Selon le journal El Watan, les manifestants ont réussi à sortir une demi-heure après par une autre porte. Ils ont alors brandi des banderoles sur lesquelles on pouvait lire : « Pour une université libre et autonome », « L’université est une industrie qui sert à alimenter la marché nationale de la pensée de la nation ». Une fois dehors, les forces de l’ordre ont encerclé les étudiants protestataires qui se sont alors mis à terre, devant la cité U Baya Hocine des filles, pour éviter les bousculades. Des résidentes, énervées de ne pouvoir quitter leur chambre à ce moment, se sont mises à balancer des bouteilles d’eau de leur balcon.
Mais ces étudiants n’ont pas dit leur dernier mot. Dans la matinée d’hier, les manifestants ont organisé une marche de Aboudaou jusqu’au rectorat à Tanga Ouzemmour avant de mettre le feu au bloc administratif. La cause ? L’agression du recteur de l’université de Béjaia, Merabet Djoudi, sur un jeune étudiant. M. Djoudi aurait mis un violent coup de poing à un manifestant voulant empêcher l’accès au rectorat.
Nouvelles manifestations
Par ailleurs, les forces de l’ordre ont investi, dès dimanche soir, les rues d’Alger afin d’appréhender les sit-in organisés, hier, devant les sièges de plusieurs institutions. Ce sont des centaines de fourgons transportant les éléments des forces antiémeutes et des policiers en tenue de combat qui se sont positionnés dans les artères principales de Bled Sidi Abderrahmane. Leur mission ? Empêcher les protestataires d’atteindre les sièges des institutions nationales, et en premier lieu : le palais présidentiel d’El Mouradia. Ces protestataires, qui réclamaient leur droit au logement, n’ont pas pu atteindre le siège de la Présidence et ont été sommés de se disperser, encercler par des centaines de policier.
Dans le même temps, les gardes communaux, supplétifs de l’armée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, réclamaient l’amélioration de leur situation socioprofessionnelle. «Nous revendiquons l’amélioration de notre situation socioprofessionnelle. Beaucoup de gardes communaux ont été révoqués de manière abusive, d’autres sont morts dans l’exercice de leurs fonctions, et certains sont devenus invalides et leurs familles vivent dans la misère totale, nous demandons la réhabilitation de ces gens dans leur dignité. Est-ce un crime M. Kablia ?» a déclaré l’un des représentants selon El Watan. Les protestataires avaient saisi M. Kablia dimanche dernier, par écrit, pour exprimer leurs revendications. Ils s’attendaient à un soutien de la part de leur ministre, ils ont eu droit à des menaces. «Nous allons les exclure du corps. Toutes les autorités militaires et civiles sont décidées à considérer les actes menés par les gardes communaux comme étant des actes d’indiscipline dans un corps de sécurité», a déclaré M. Kablia, avant de souligner qu’«il n’y aura plus de discussions avec les gardes communaux, ni de négociations ni de surenchère ». En signe de défi, et pour montrer leur volonté d’atteindre leur but, les gardes communaux ont décidé de durcir leur mouvement de protestation. Ils ne quitteront pas la place des Martyrs, tant que les pouvoirs publics continueront à leur tourner le dos.
De leur côté, une cinquantaine de journalistes de la Radio nationale ont observés un sit-in dans la matinée de dimanche. Ils réclament une augmentation salariale. Résultat : le directeur de l’information de la Chaîne II, la rédactrice en chef adjointe de la Chaîne I ainsi que deux chefs d’édition de la Radio internationale se sont vus notifier, hier, leur suspension. La cause ? Leur refus de communiquer à la direction la liste des journalistes ayant pris part à ce sit-in. « Ces mesures ne sont rien moins que des représailles parce qu’ils ont refusé de communiquer la liste des journalistes présents lors du sit-in et de transmettre à ces derniers les questionnaires que leur a adressé la direction», affirment plusieurs journalistes. «Mais nous ne nous laisserons pas intimider, quitte à sortir dans la rue, à aller devant la présidence de la République», ont-ils ajoutés, selon El Watan. Le Directeur général, Tewifk Khelladi, a précisé que ce mouvement est en opposition avec le règlement intérieur. Une assemblée générale rassemblant les journalistes avec la direction et les syndicats devait se dérouler aujourd’hui. Toutefois, les journalistes demandent à ce que les sanctions infligées à l’encontre de leurs collègues soient suspendues, ou le cas échéant, ils refuseront de participer à cette réunion.
Les autorités algériennes semblent rester sourdes aux mouvements qui secouent de nouveau le pays. En guise de réponse aux réclamations des manifestants, le gouvernement envoi les forces de l’ordre afin de disperser toute protestation. La présidence algérienne finira-t-elle par écouter la colère de son peuple ?