Entre la France et l’Algérie, il est question de mémoires. Une question centrale, qui, tel que souvent évoquée et brandie, prend des allures de chantage. Suffisant pour se demander si en parlant de « rente mémorielle », le Président français Emmanuel Macron n’a pas raison.
Emmanuel Macron, chef de l’Etat français, a été cru dans son propos. Il faut le dire, il n’a pas mâché ses mots. Mais que peut-on dire sur des vérités, lorsqu’elles sont crues ? Rien, à part les accepter et avancer, pour ne pas dire tourner la page. Ce que refuse de faire l’Algérie. La guerre d’Algérie reste un crime contre l’humanité, un massacre des plus horribles, ayant coûté la vie à des milliers d’Algériens. Acte que le monde entier a condamné et continue de condamner.
Condamner oui, mais il faut savoir que ceux qui ont piloté cette guerre ont pour noms René Coty, décédé depuis 1962, et Charles de Gaulles mort en 1970. Emmanuel Macron, à qui l’Algérie veut faire porter le chapeau, par procuration, est né sept (07) ans après la mort de De Gaulle. Malgré le fait qu’il reconnaisse ces crimes commis en Algérie par la France, Alger continue de lui maintenir la tête sous l’eau. Il se trouve que Macron n’a pas été le seul chef d’Etat français à porter ce lourd fardeau imposé par Alger.
Tous ont été accablés par le pouvoir d’Alger, qui leur a fait porter le chapeau de cette guerre d’Algérie. François Hollande n’y a pas échappé, Nicolas Sarkozy non plus. Leur faute, c’est d’avoir porté la casquette de Président de la France. Et comme dit Emmanuel Macron, comme si seule la France est responsable de ce qui s’est passé en Algérie. « L’histoire officielle totalement réécrite ne s’appuie pas sur des vérités, mais sur un discours qui, il faut bien le dire, repose sur une haine de la France », estime Macron.
« Il y avait de précédentes colonisations. Moi, je suis fasciné de voir la capacité qu’a la Turquie à faire totalement oublier le rôle qu’elle a joué en Algérie et la domination qu’elle a exercée. Et d’expliquer qu’on est les seuls colonisateurs, c’est génial. Les Algériens y croient », a encore dit le dirigeant français. En effet, on n’entend parler que de la France, dans ces désastres causés en Algérie. Une vraie catastrophe humaine que nul ne peut ignorer. Encore une fois, que la planète a condamnée.
A lire : Mémoires : la note salée de Tebboune à Macron
Seulement, que peut faire Macron, à part reconnaître la responsabilité de la France dans la guerre d’Algérie, ce conflit armé qui s’est déroulé, de 1954 à 1962, en Algérie, alors colonie française depuis 1830. Emmanuel Macron, faut-il le rappeler, est né le 21 décembre 1977. Il est président de la République française depuis le 14 mai 2017. Le voilà que l’Algérie tente de le déculotter comme elle l’a fait avec ses prédécesseurs. Macron n’était pas né quand ces atrocités étaient commises. Peu de Français témoins ou acteurs de ces évènements sont encore en vie.
De l’autre côté, Alger semble avoir une mémoire sélective. Autant le passage de la Turquie en Algérie est placé aux oubliettes, autant une belle présence française est gommée de l’histoire. Il s’agit notamment des « pieds noirs », ces Français installés en Afrique du Nord jusqu’aux indépendances, mais aussi des « pieds rouges ». Ces derniers étant des militants de gauche ou d’extrême gauche, français, qui se sont rendus en Algérie, au lendemain de son indépendance, afin d’œuvrer pour sa reconstruction et son développement.
Des militants humanitaires, des professionnels de la santé, d’anciens « porteurs de valises », des enseignants et même des étudiants, ayant tout quitté pour rejoindre le peuple algérien. La plupart des Algériens les avaient accueillis à bras ouverts au début. Seulement, après trois ans de période de grâce, beaucoup d’entre eux sont rentrés en France à la suite du coup d’Etat perpétré, le 19 juin 1965, par le colonel Houari Boumediene. Ces « pieds-rouges » avaient débarqué en Algérie pour participer à la Révolution, pour contribuer au rêve algérien. Entre la France et l’Algérie, il y a eu certes de la merde, mais aussi beaucoup de miel.
Bref, il est ici question, entre la France et l’Algérie, de mémoires qu’Alger veut indélébiles. Comparaison n’est certes par raison, et les contextes sont très différents. Mais si on prenait un peu l’exemple d’Abdelmadjid Tebboune, né le 17 novembre 1945 à Méchria, et qui est président de la République algérienne démocratique et populaire depuis le 19 décembre 2019. Il a pourtant été ministre dans plusieurs gouvernements et Premier ministre du défunt Abdelaziz Bouteflika, du 25 mai au 15 août 2017. Sa responsabilité dans la situation actuelle de l’Algérie est entièrement engagée.
A lire : Algérie : qui se souvient des « porteurs de valises » et des « pieds-rouges » ?
Si Abdelmadjid Tebboune peut aujourd’hui se montrer en donneur de leçons, attaquer Emmanuel Macron, qui n’a jamais été impliqué dans cette fameuse guerre d’Algérie, c’est tout simplement le monde à l’envers. Que fait Tebboune de cette question mémorielle ? De sa propre question mémorielle, très récente, où il croise les victimes chaque jour ? Il n’en parle jamais. Ne demande jamais pardon aux Algériens. Au contraire, il continue de les traquer et de les envoyer en prison. Il n’a même pas épargné son complice de l’époque, Saïd Bouteflika, avec qui il a gouverné l’Algérie pendant un temps.
Visiblement, comme l’a si bien dit Emmanuel Macron, la France a bon dos. Et Alger a la mémoire très sélective. Les dirigeants français qui se sont succédé à la tête de l’Etat, depuis l’indépendance d’Algérie, ont bon dos. Qu’on le veuille ou pas, c’est par diplomatie, par politesse que le Président Macron accepte de demander, une énième fois, pardon à l’Algérie, pour ces crimes dont il ne peut en aucun cas en porter la responsabilité. Le fait d’être Président ne peut en aucun cas faire de lui le responsable de ce qui s’est passé plus de 20 ans avant sa naissance.
Toute l’Afrique a vécu les affres des colons français. Le Sénégal a eu son Thiaroye 44, avec des centaines de soldats sénégalais abattus dans leur camp, par des colons, alors qu’ils ne réclamaient que leur dû. Le Sénégal célèbre, chaque année, ces morts. Mais ne fait pas comme l’Algérie, qui semble vouloir en faire un fonds de commerce. Car, le Sénégal sait ce que ces colons, ce n’est ni Sarkozy, ni Hollande, encore moins Macron. N’en déplaise aux dirigeants algériens, cette page doit être tournée, car les responsables de ce drame ne sont plus de ce monde.