Entre début janvier, alors que Gaïd Salah chantait les réalisations du Président d’alors, Abdelaziz Bouteflika, et début avril, lorsqu’il traquait les proches du chef de l’Etat démissionnaire, qu’est-ce qui a changé ?
Le mercredi 9 janvier 2019, Gaïd Salah, alors vice-ministre de la Défense nationale, évoquant l’Algérie, insistait que « cette stabilité a été concrétisée grâce à l’initiative de Son Excellence, M. le président de la République, en l’occurrence la Charte de la paix et de la réconciliation nationale approuvée par l’ensemble du peuple algérien, puis grâce aux sacrifices colossaux consentis par notre peuple dans toutes ses catégories à travers l’ensemble du pays, à leur avant-garde l’Armée nationale populaire ».
Début mars, toujours dans sa logique de soutien au régime, alors que d’importantes manifestations contre un 5e mandat de Bouteflika se déroulaient à Béjaïa, Tizi-Ouzou, Bouira, Blida au Nord, Sétif au Nord-est ou Tlemcen au Nord-ouest, le chef d’état-major des armées appelait les Algériens « à s’ériger en rempart contre tout ce qui pourrait exposer l’Algérie à des menaces aux retombées imprévisibles ». Le général Gaïd Salah qui accusait la contestation d’être le fait de « certaines parties dérangées de voir l’Algérie stable et sûre », indexait ces parties d’être « désireuses de ramener l’Algérie aux années de braises ».
Fin mars, sentant que le peuple n’abdiquait pas et que le pouvoir de Bouteflika était sérieusement menacé, le général Gaïd Salah, saluant le « civisme » des manifestants pour exiger des changements politiques, a, dans un discours retransmis à la télévision nationale, souligné que « ces marches pourraient être exploitées par des parties hostiles et malintentionnées (…). Dans ce contexte, il devient nécessaire, voire impératif, d’adopter une solution pour sortir de la crise, qui répond aux revendications légitimes du peuple algérien, et qui garantit le respect des dispositions de la Constitution et le maintien de la souveraineté de l’Etat ».
Ce même Gaïd Salah, conscient que le peuple ne voulait plus d’Abdelaziz Bouteflika, retournait ainsi sa veste et déclenchait les hostilités envers la famille du désormais ex-chef de l’Etat et demandait que soit déclaré « l’état d’empêchement lorsque le président de la République, pour cause de maladie grave et durable, se trouve dans l’impossibilité totale d’exercer ses fonctions », en invoquant l’article 102 de la Constitution algérienne.
Début avril, Bouteflika démissionne, le peuple réclame la tête de Saïd et dit garder un œil sur le général de corps d’armée, Gaïd Salah, dont le rôle ne devrait « se limiter qu’à superviser la transition et éviter que la volonté du peuple algérien ne soit détournée ». Le peuple, qui ne voulait plus de Bouteflika et de tout ce qui s’y rattache, voit Abdelkader Bensalah, président du Sénat, nommé président de la République d’Algérie par intérim pour une durée de 90 jours.
Si en janvier dernier, alors que la situation l’arrangeait, Ahmed Gaïd Salah continuait de chanter le Président Abdelaziz Bouteflika. Aujourd’hui que la boule a tourné, le général de corps d’armée a troqué ses habits de pro-Bouteflika contre un nouveau beau costume d’anti-Bouteflika. Et traque tous ceux qui pourraient compromettre la quiétude du système dont il est le seul à tirer les ficelles au jour d’aujourd’hui.
Conscients que le principal mal de leur pays est le général de corps d’armée Ahmed Gaïd Salah, qui, visiblement, en fonction de ses intérêts, prend position, les Algériens poursuivent la contestation populaire qui ne faiblit toujours pas.
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