Le FIS définitivement condamné en Algérie ? Le projet de loi sur les partis politiques, confirmé le 12 septembre par le Conseil des ministres, interdit le retour du FIS dissous dans le champ politique.
Claire et intransigeante, la réponse du gouvernement quant au retour du Front Islamique du Salut (FIS) sur la scène politique est irrévocable. Il en est tout simplement hors de question ! Pourtant, les réformes politiques exprimées par le président Bouteflika lors de son discours du 15 avril 2011 avaient laissé un espoir aux anciens cadres du FIS. Mais le projet de loi sur les partis politiques, acté le 12 septembre par le Conseil des ministres, interdit formellement le retour du parti islamique.
L’Etat a mis fin aux ambiguïtés qui ont nourri l’actualité nationale ces dernières semaines. A l’issue du Conseil, un communiqué a été diffusé précisant que « le projet de loi prévoit notamment des dispositions à même de prévenir la réédition de la tragédie nationale ». Cette « tragédie nationale » fait référence aux années 1990. Le FIS et ses militants étaient impliqués dans des actes de violences commis par des organisations terroristes. Cette « décennie noire » a fait 60 000 à 150 000 morts.
Abou Djara Soltani, président du MSP (parti islamiste modéré et membre de la coalition présidentielle), prétend que cette loi ne concerne pas les militants du FIS qui n’ont commis aucun actes de violence. Avis partagé par Farouk Ksentini, le président de la commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme, qui affirme, selon le journal El Khabar, ne voir aucun inconvénient à ce que les militants du FIS adhèrent à des partis politiques. « Je pense personnellement que nous ne pouvons pas priver ses militants de leur droit de faire de la politique, nous devons leur donner l’opportunité d’exprimer leurs opinions dans d’autres partis, mais un parti légalement dissous ne peut pas revenir à la politique », a-t-il déclaré.
Les attentes du FIS
La mouvance islamiste avait pourtant commencé à manœuvrer sur le terrain depuis l’annonce des réformes politiques. Il avait pris contact avec des responsables au gouvernement. Abdelaziz Belkhadem, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), a lui-même confirmé avoir rencontré, il y a plus de deux mois, El Hachemi Sahnouni, ancien membre du FIS, pour évoquer avec lui la question des prisonniers politiques et de la « réconciliation nationale ».
Sahnouni a fait, le 1er juin 2011, dix propositions pour sortir de la crise et a par la même occasion demandé à ce que la Charia (loi coranique) soit la source de toutes les lois en Algérie. Il a en outre plaidé pour l’éloignement de l’armée du champ politique. Car contrairement à ce que l’on peut croire, en Algérie, les ressources naturelles et le pouvoir sont détenus par les généraux de l’armée et non pas par le Président de la république.
Dans ses autres propositions, l’ancien membre du FIS demande, entre autre, l’égalité entre les hommes et les femmes, l’alternance au pouvoir ou encore la lutte contre la corruption. Dans une lettre adressée à Abdelaziz Bouteflika, Abdelfattah Zeraoui Hamadach, prédicateur emprisonné entre 1992 et 2003, et El Hachemi Sahnouni ont réclamé la « réconciliation historique », le but étant de barrer la route aux ingérences étrangères. « Il faut faire participer l’ensemble des savants, des prédicateurs, des politiques, les tenants de la décision et de l’influence, du commandement, du savoir, les penseurs, les élites, tous ceux qui ont du poids, pour une solution réussie », ont-ils écrits.
Les mises en garde
Dans un communiqué rendu public le 13 septembre 2011, Sahnouni et Hamadache ont condamné « l’interdiction de la prédication et la répression des droits politiques aux anciens membres du Fis dissous. » Ils ont mis en garde le gouvernement contre l’embargo politique imposé aux islamistes.
Certains politiciens ont également prévenu contre l’exclusion des islamistes du projet de réformes politiques. Cette annonce a été une motivation supplémentaire pour les anciens responsables du FIS. D’autres, tel que Ali Benhadjar, ancien numéro un de la Ligue islamique pour la daâwa et le djihad (LIDD), pensent que le retour du FIS dans le champ politique n’est qu’une question de temps. Selon Ali Benhadjar, « un parti politique reste souverain et ne peut être dissous. » Ces déclarations, c’était avant que la loi sur les partis politiques ne déclare définitivement mort le FIS…
Fut un temps…
Auparavant le FIS était soutenu par la majorité des Algériens. A l’époque, ce nouveau né de la politique algérienne a remporté dès le premier tour des législatives de 1991 une majorité écrasante face au FLN et au FFS (Front des forces socialistes) ! Le deuxième tour n’a jamais eu lieu. Le 11 janvier 1992, le coup d’état militaire amène le président Chadli Benjedid à la démission. Il a été remplacé cinq jours plus tard par Mohamed Boudiaf, alors intraitable envers les membres du parti islamiste.
Pourtant, le FIS était décrit comme étant la branche politique qui pouvait, par exemple, empêcher l’instauration de tout gouvernement autoritaire en Algérie, améliorer les conditions sociales, réduire à néant le FLN (Front de libération nationale) ainsi que la corruption… Le parti islamiste avait aussi bien la côte chez les classes les plus défavorisées que chez les classes moyennes et de la petite bourgeoisie. Nombreux sont les chefs d’entreprises et les entrepreneurs qui finançaient les activités politiques de ce parti. Mais aujourd’hui, qu’en serait-il si le Front islamique du salut revenait à la politique ?