Le ministre des Affaires étrangères, Abdelaziz Belkhadem, a failli s’étrangler. Lui, si proche des islamistes modérés et fervent défenseur de la langue arabe, a dû puiser dans ses réserves de diplomatie pour expliquer la position révolutionnaire de son patron.
Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, a décidé de mettre aux oubliettes le dogmatisme identitaire des conservateurs du Front de libération nationale, qui aiment à se présenter comme les gardiens de » la personnalité algérienne « . En se rendant à Beyrouth pour le Sommet de la Francophonie, Abdelaziz Bouteflika envoie des signaux forts, à ses amis d’abord et à son opposition ensuite.
Le constat du président algérien est simple. L’Algérie est multiple, polyglotte et surtout mûre pour assumer son passé. L’Algérie n’est pas seulement arabe, elle est aussi africaine et méditerranéenne. Berbérophone et francophone. L’Algérien parle berbère, arabe et français. Dans des ordres différents. Les tenants du baasisme, du panarabisme, ont handicapé pendant des décennies l’Algérie de deux langues. En procédant à l’arabisation à outrance, sans se donner les moyens scientifiques d’accompagner ce mouvement, ils ont fait de l’éducation, de l’école, un secteur hybride. A la fin de la scolarité obligatoire, neuf ans, l’élève devient » analphabète trilingue « , pour reprendre l’expression d’un homme politique algérien.
Abdelaziz Bouteflika se démarque aussi des islamistes, désormais minoritaires sur l’échiquier politique. Et, enfin, tourne à demi la page coloniale. La France de 2002 n’a plus rien à voir avec celle de 1954. La France de Jacques Chirac ne ressemble nullement à celle de Jacques Soustelle ou de Robert Lacoste. Et il n’y a aucune raison de développer des complexes face à la langue française. Elle est aussi algérienne.