Un mois après l’arrêté du wali de Tizi Ouzou interdisant l’extraction du sable dans le lit de l’oued Sebaou, les pilleurs sont toujours en activité et la spéculation bat son plein. Des dizaines de personnes continuent de fournir du sable pour les sociétés de construction à des camionneurs qui circulent toujours sur l’oued.
De notre partenaire El Watan
Les sablières ont arrêté de tourner mais elles n’ont pas été démantelées, comme le stipule la décision des autorités de wilaya. Profitant du retour du beau temps, une soixantaine d’hommes, munis de pelles, ont envahi Oued Aïssi (5 km à l’est de Tizi Ouzou), à quelques mètres seulement de la RN 12. Dispersés en groupes de deux ou trois personnes, ces extracteurs à la pelle manuelle affirment qu’ils ne s’inquiètent pas d’une visite-surprise des services de sécurité, chargés de faire respecter la mesure d’interdiction.
Sûr de lui, Hakim, un jeune de 27 ans nous dit : « Je continuerai à travailler dans l’oued tant qu’il y a des camionneurs qui viennent s’approvisionner. C’est mon gagne-pain et celui de ma famille. Si l’Etat veut qu’on arrête, qu’il nous trouve un autre travail. » Ce témoignage montre parfaitement que le dispositif de lutte contre l’extraction illicite du sable dans les oueds de la wilaya n’est pas vraiment dissuasif. Certains jeunes ignorent même les dernières décisions du wali de Tizi Ouzou. C’est ce que nous ne tardons pas à confirmer à quelques mètres de l’endroit où nous avons rencontré Hakim et deux de ses amis. Un engin de couleur blanche venait en effet de partir après avoir été chargé en tout-venant par une dizaine de jeunes qui se défendent d’être à l’origine de la dégradation du lit de l’oued.
Le lit de l’oued ravagé
Rassuré par l’absence de surveillance dans ces lieux où le pillage a laissé apparaître des canalisations d’eau et une autre de gaz naturel, un autre camion de marque Sonacom emprunte la piste boueuse vers l’oued. A son arrivée, il est abordé par cinq personnes qui lui proposent leurs services. Selon les jeunes, une pelle baladeuse et quelques camions viennent la nuit pour s’approvisionner en agrégats. Ils s’installent à partir de 17 h. N’ayant plus de sable à extraire du lit de l’oued, la pelle mécanique s’attaque aux champs des particuliers, nous dit-on. Tahar, âgé de 49 ans et père de 5 enfants, nous précise que « le propriétaire d’un terrain a donné son accord pour l’exploitation d’une partie de sa terre en contrepartie du partage du gain provenant de la vente du sable. »
Notre interlocuteur souligne que « les camionneurs ne viennent pas tous les jours pour ne pas être repérés par les services de la gendarmerie ». Selon ses dires, depuis quatre jours, rares sont ceux qui prennent le risque de descendre dans l’oued. Les camionneurs ont saisi l’occasion pour spéculer sur les prix de vente du sable aux constructeurs, qu’ils soient des particuliers ou des entrepreneurs, « prêts à payer un camion de petit tonnage à 10 000 ou à 12 000 dinars », nous apprend Tahar. Il précise que les prix pratiqués auparavant variaient entre 4500 et 6000 DA.
La spéculation encourage les pilleurs
La spéculation risque de provoquer une exploitation sauvage du sable dans les endroits qui sont jusque-là épargnés. C’est l’exemple de l’oued Sidi Khelifa à Azzefoun qui commence à attirer des pilleurs dont certains auraient été aperçus ces derniers jours, selon des échos. Le même constat est fait du côté des oueds de Boghni et de Draâ El Mizan où des « exploitants » sont présents à six endroits, nous indique-t-on encore. Dans la localité de Sidi Naâmane où nous nous sommes rendus il y a quelques jours, l’activité des pilleurs à la pelle manuelle a cessé. La gendarmerie nationale a sévi dans cette zone et a fini par chasser les pilleurs. La première action menée est la destruction des pistes menant à l’oued.
A une dizaine de mètres d’une sablière à l’arrêt, des camions et une pelle mécanique sont stationnés au parc. Le propriétaire de la sablière n’a pas procédé au démantèlement de son matériel comme il a été notifié dans l’arrêté du wali. Cela est le cas des autres concessionnaires qui ont été invités à quitter les lieux, a-t-on constaté. Smaïl, 26 ans, qui a travaillé dans l’oued à Draâ Ben Khedda depuis l’âge de 16 ans s’est reconverti dans le travail des champs à moitié avalés par les pelles mécaniques. C’est en se tournant vers l’agriculture qu’il se rend compte des dégâts occasionnés par des années d’exploitation sauvage du sable de l’oued.
Par Lyés Manecer