Ancien défenseur de l’AS Saint-Étienne, West Bromwich Albion ou encore de Troyes AC, Alassane Ndour (40 ans), faisait partie de la belle génération des Lions du Sénégal 2002, qui a fait vibrer toute l’Afrique lors du mondial Corée du Sud/Japon. Aujourd’hui, il s’est reconverti dans le management du sport et s’occupe des images de Samuel Eto’o Fils, président de la Fédération camerounaise de football (FECAFOOT) et d’autres personnalités. Il était présent lors de la dernière Coupe d’Afrique des nations au Cameroun, qui a été remportée par la bande à Sadio Mané face à l’Égypte (0-0, tab 4-2). Pour lui, le Sénégal a appris de ses erreurs, c’est-à-dire la finale perdue en 2019 devant l’Algérie (0-1), pour se hisser sur le toit du continent.
Entretien
Pouvez-vous revenir un peu sur les souvenirs de la CAN 2002 au Mali, qui a été finalement perdue par le Sénégal aux tirs au but devant le Cameroun ?
C’était une première pour la plupart d’entre nous. C’était notre première CAN, parce qu’on était de jeunes joueurs, bien vrai qu’on avait un bon groupe avec une belle qualification durant les éliminatoires. Nous étions venus avec un objectif bien précis, c’est-à-dire aller jusqu’au bout du tournoi. Je pense qu’on l’a fait, parce qu’on a commencé cette compétition avec une victoire devant l’Égypte (1-0). C’était une très belle équipe d’Égypte et nous avons fait ce résultat, qui était satisfaisant. On a fait un bon parcours, en éliminant le Nigeria (2-1, a.p), en demi-finale pour retrouver le Cameroun en finale. C’était le Cameroun de Samuel Eto’o, Geremi Njitap, Rigobert Song…, qui était l’une des imbattables en Afrique. C’est une belle performance, bien vrai qu’on n’a pas gagné la finale par manque de chance aux tirs au but (0-0, tab 2-3). On y croyait, on pensait qu’on pouvait faire quelque chose. C’était une très belle expérience. À partir de là, un groupe un né et rapidement on est passé à la Coupe du monde la même année.
Dans cette belle époque du football sénégalais, vous aviez également disputé les quarts de finale de la Coupe du monde. Le Sénégal partait avec la faveur des pronostics, mais est écarté par la Turquie au bout d’un match âprement disputé ?
C’était un groupe qui était né et un groupe qui avait déjà prouvé en accédant à la finale de la CAN. Rapidement, on était conscient qu’on pouvait faire quelque chose à la Coupe du monde. D’entrée, on gagne contre l’équipe de France (1-0). On avait une particularité au premier match, on arrivait toujours à rassurer le pays. C’est ce qu’on avait fait à la CAN et à la Coupe du monde en 2002. Gagner contre l’équipe de France, qui était championne du monde où il y avait beaucoup de stars comme Zidane, Trezeguet, Thierry Henry… C’était la grande équipe de France, qui venait de gagner la Coupe du monde avec les meilleurs joueurs des championnats européens. On fait match nul lors de notre deuxième sortie face au Danemark (1-1). Très bon match aussi où on parvient à tenir tête au Danemark. L’équipe du Danemark était très assidue, nous on était les petits poucets. On ne connaissait pas grand chose.
Vient le troisième match face à l’Uruguay, qui était un match piège, car on avait besoin d’un point pour se qualifier. Donc, à la première mi-temps, où on menait 3-0, à la fin du match on se retrouve à 3-3. C’était un match difficile, mais au bout du compte, on a fait le nul alors qu’on pensait avoir la victoire à la première mi-temps. On a su garder le score pour nous qualifier en huitième de finale. On hérite de la Suède, qui était aussi un adversaire coriace. C’était la Suède de Svensson, Zlatan Ibrahimovic, qui n’était pas une star comme il l’est aujourd’hui. Donc, il y avait aussi Larsson et beaucoup d’autres joueurs de qualité. On a réussi à passer en quarts de finale grâce à un doublé d’Henri Camara, qui avait été exceptionnel ce jour (2-1). Un beau parcours lors de la Coupe du monde. Une équipe décomplexée, une équipe qui jouait avec ses qualités, un groupe qui vivait bien.
Vraiment, des souvenirs exceptionnels. On joue en quart de finale contre la Turquie, bien vrai que tout le monde la sous-estimait, mais c’était une équipe présente avec des joueurs de qualité, qui jouaient dans de très bons championnats comme Hakan Şükür, Hasan Şaş, İlhan Mansız… Un très bon groupe, qui était dans des championnats d’Italie, d’Angleterre… C’était un match très difficile qu’on a perdu au but en or, le fameux but en or. On était au bout, on n’a pas baissé les bras, mais je pense que ce n’était pas notre jour. C’était la fin du tournoi, mais nous n’avions pas démérité. Nous avons joué jusqu’au bout. Voilà, c’était une campagne qui devait s’arrêter face à la Turquie (0-1, a.p), même si nous pensions qu’on pouvait faire quelque chose contre la Turquie. Sans rancune et en toute sportivité, nous avons respecté, mais le résultat n’était pas favorable pour nous.
A lire : Trois questions à Michel Dussuyer : « Le titre du Sénégal est une confirmation »
Après la finale de 2002 en tant que joueur et celle de 2019, peut-on dire que le sélectionneur Aliou Cissé a pris sa revanche sur l’histoire au Cameroun ?
En 2019, on a vu une équipe qui commençait à prendre forme. L’équipe d’Aliou Cissé, qui était notre capitaine en 2002 et qui a repris l’équipe après les CAN 2015. Pour sa première campagne africaine 2017 au Gabon, il a fait un résultat moyen. Après, on voit Aliou conduire l’équipe en finale en 2019. Ce qui était un très beau parcours, mais on est finalement tombé sur un adversaire coriace, qui était l’Algérie. Derrière, c’était une équipe d’Algérie en pleine confiance, qui avait déjà battu le Sénégal lors des matchs de poules (1-0). L’Algérie a montré sa suprématie face au Sénégal. Un bon apprentissage pour cette équipe du Sénégal, pour le groupe, parce qu’il est bon parfois de perdre pour l’avenir et apprendre de ses erreurs, pour mieux rebondir.
La CAN 2022 a été la bonne pour le Sénégal. Comme je disais, apprendre de ses erreurs pour rebondir. Le Sénégal a appris de ses erreurs en finale. Le Sénégal qui est très bien entré dans le match, contrairement à la dernière CAN ou on est entré timidement. Ça nous a valu un but lors des cinq premières minutes, après lesquelles on a couru derrière pendant 90 minutes sans jamais parvenir à égaliser. Le Sénégal avait beaucoup appris et cette fois-ci l’équipe était concentrée du début jusqu’à la fin, avec Sadio Mané qui a marqué le but de la délivrance, qui donne au Sénégal son premier trophée international en Afrique. C’est une chose exceptionnelle. Parfois quand on perd, on apprend de ses erreurs et encore une fois, le Sénégal a appris de ses erreurs. C’est important.
Vous étiez nombreux au Cameroun pour cette 33ème édition. Quel a été l’apport des anciens internationaux sénégalais autour de cette sélection ?
L’apport des anciens internationaux au Cameroun, c’était pour leur donner de la force. On sentait le potentiel dans cette équipe, on sentait que cette équipe pouvait faire quelque chose. Elle avait des qualités pour faire quelque chose et maintenant il faut que tous les ingrédients soient réunis pour faire gagner une équipe. C’est important pour nous d’aller sur place et montrer qu’on était solidaire et que nous voudrions que cette équipe gagne, que le Sénégal gagne. Vulgairement, je pourrais vous dire « on en avait marre » de voir le Sénégal aller au bout et ne pas gagner. Nous avions tout le potentiel, tout ce qu’il faut. Notre apport était de mettre les joueurs en confiance. Aujourd’hui, on peut parler de tactique, de technique et apporter de la valeur ajoutée. Montrer notre solidarité et que l’union fait la force. Je pense qu’il n’y avait jamais eu autant d’engouement de toutes générations confondues autour d’un tournoi, qui était la CAN, pour la victoire. C’est ce qu’on a fait et ça a porté ses fruits. Je profite de l’occasion pour féliciter les joueurs, l’entraîneur, l’encadrement. Féliciter tout le monde et nos anciens coéquipiers qui sont dans le staff. Ceux qui ont fait le déplacement et ce qui n’ont pas pu le faire, pour les féliciter de leur engagement aux côté de cette génération, qui nous a donné beaucoup de bonheur.
A lire : Cheikh Sidy Ba, ancien Lion du Sénégal : « Attention, l’Egypte va vouloir prendre sa revanche »
Pensez-vous qu’Édouard Mendy pourrait devenir le premier gardien de but « Joueur africain de l’année », compte tenu de toutes ses réalisations ?
Édouard Mendy peut être le « Joueur africain de l’année » et il est très légitime, parce qu’il lui manquait quelque chose de ce qu’il revendiquait. L’année dernière, lors du Ballon d’or, il a été prouvé qu’il lui manquait quelque chose. Malheureusement, il n’y avait pas cette CAN qui avait été annulée en 2021. Il n’avait donc pas un tournoi international à son actif. Comme on dit, le bon Dieu fait bien les choses. Parfois, il ne faut pas être pressé, son tour est arrivé. Ce qui lui manquait, la CAN, a bel et bien lieu et il a été élu meilleur gardien du tournoi et l’équipe du Sénégal a été sacrée. C’est ce qui lui manquait. Parfois il faut rester concentré et ne pas trop revendiquer. La valeur intrinsèque d’Édouard Mendy, on la connaît aujourd’hui. Avec tout ce qu’il a montré, c’est le meilleur gardien de but du monde. Il y a aussi les critères de sélections et de choix entre l’équipe où il joue, la Ligue des champions, le championnat local. Cela aussi fait partie des critères qu’il faut respecter. Je pense que c’était la pièce qui manquait au puzzle. Maintenant, tout est OK pour lui, pour être désigné comme meilleur gardien du monde, sans revendication, car les résultats plaident en sa faveur.
Que devient Alassane Ndour depuis la fin de sa carrière internationale ?
Pour ma part, je suis toujours dans le football, dans le sport, parce que je dois finaliser mon master en sport que je viens de boucler. Je suis un agent sportif, je m’occupe aussi de certaines personnalités du football comme Samuel Eto’o, sur le plan africain. Ça fait quatre ans qu’on chemine ensemble, sur le plan du sponsoring, sur le plan de l’image. Je m’occupe entre autres de lui et d’autres personnalités, toujours dans le management sportif. Je suis rentré au Sénégal depuis 2010. J’ai créé l’association « Marmite du Cœur » avec un ami qui s’appelle Moustapha. Nous l’avons créé pour rendre ce que le Sénégal nous a rendu. Le Sénégal a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui.
À quoi consiste la Marmite du cœur ?
La « Marmite du Cœur » est une association à but non lucratif. Donc, une association qui a comme credo le sport et la musique au service du social, parce que mon ami est un musicien. Nous sommes venus de deux domaines différents. Le social devient quelque chose de naturel ici au Sénégal. Le Sénégal est appelé pays de la Téranga, un pays où il n’y a pas trop de tiraillements. Nous sommes nés ici au Sénégal, ensuite nous sommes partis en Europe, pour exercer dans nos domaines respectifs. Et nous faisons un retour des compétences au Sénégal. Ce dont le Sénégal a besoin de sa jeunesse innovante, consciente et de sa jeunesse qui se bat pour son pays. On s’est battu, pour mon cas, en sélection. On s’est battu pour le Sénégal et on continue d’être des ambassadeurs. Je pense que c’est toujours important de servir son pays, parce que ce pays nous a beaucoup donné. C’est à nous maintenant de donner à notre pays. Cette association a été créée depuis 2010 et aujourd’hui nous sommes à notre douzième année, à travers les repas qu’on distribue dans toutes les localités et départements dans ce pays.
On a fait plusieurs fois le tour du Sénégal, en distribuant des repas pour la rupture du jeûne pendant le ramadan. Avec le Covid-19 qui est arrivé, nous avons changé un peu notre manière d’agir dans le social. Aujourd’hui, c’est de réduire les effets du Covid-19, en tentant de donner des denrées alimentaires non périssables. Ça a même eu plus d’impact. Comme on dit, le bon Dieu fait bien les choses. Aussi sous forme de caravane mobile, on fait le tour du Sénégal et on s’arrête dans des localités pour aider les populations démunies à se procurer des denrées alimentaires non périssables. Voilà un tout petit peu ce qu’on a fait… En plus d’aider des écoles coraniques, parce qu’on voit souvent des enfants dans des conditions déplorables et donc nous avons intégré cette action de bienfaisance, en rénovant des « Daaras », en leur donnant aussi l’électricité pour le bien-être et leur garantissant un apprentissage du coran dans de bonnes conditions.
Avez-vous d’autres projets en vue pour le développement de votre pays le Sénégal ?
Oui, des projets de développement pour le sport au Sénégal, qui sont en cours de réflexion et de mise en place, en attendant de mettre ça sur la place publique. Mais, toujours au service du Sénégal, au service du sport qui nous à aujourd’hui donné ce qu’on a. On est dans une phase de réflexion pour la mise en place, en attendant de tout dévoiler.