Alain Gomis, attention talent !


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Alain Gomis est le réalisateur de  » L’Afrance « , un film touchant et plein de vérité qui raconte le parcours d’un homme se retrouvant face à ses convictions. Rencontre avec ce Franco-sénégalais de talent.

Alain Gomis est un jeune réalisateur. Né en 1972 d’un père sénégalais et d’une mère française, il a grandi en France. Après des études d’histoire de l’art et une maîtrise d’études cinématographiques, il anime des ateliers vidéo et réalise dans ce cadre des reportages consacrés aux jeunes issus de l’immigration. Avec plusieurs courts métrages à son actif, il signe aujourd’hui son premier long film. L’Afrance, un beau bijou.

Afrik : Vous êtes Franco-sénégalais mais vous avez toujours vécu en France. Avez-vous déjà été tenté de vivre au Sénégal ?

Alain Gomis : Je vais régulièrement au Sénégal mais je n’ai pour l’instant jamais pensé à m’y installer définitivement. Mais si cela devait se faire, je pense que ce serait beaucoup plus facile pour moi que pour les Sénégalais qui viennent en France et retournent ensuite chez eux. Moi, je n’ai pas grandi là-bas donc en y retournant je ne rechercherais rien des sensations passées. Il n’y a rien derrière. En plus, je m’y rendrais sans avoir de mission à accomplir. La question du retour ne se poserait pas dans les mêmes conditions. Cependant, dans le cadre de mon travail, il est plus simple d’être ici, même si je ne suis pas attaché à Paris. Je pourrais très bien envisager de quitter cette ville pour une autre.

Afrik : Comment vous est venu le titre du film  » L’Afrance  » ?

Alain Gomis : La première fois que j’ai lu cette expression, c’était dans une bulle, je ne me souviens pas très bien. Mais je l’ai choisie pour les deux significations qu’elle comporte. La première c’est que dans l’Afrance il y a la France et la contraction de l’Afrique. Cela correspondait bien à El Hadj, mon personnage principal qui appartient à une espèce de non-monde. La seconde, c’est que cette expression avec ce a privatif évoque aussi l’autre France, celle que l’on ne montre pas. Celle des sous-sols et des centres de rétention. Celle aussi que l’on refuse. Par exemple Koffi Olomidé est passé récemment en concert à Paris et aucun journal n’en a parlé et pourtant c’était plein. La France se considère encore une population principalement blanche.

Afrik : Il me semble que tout le monde peut se retrouver dans L’Afrance, pas simplement les déracinés. Qu’en pensez-vous ?

Alain Gomis : En effet, le film ne traite pas que des problèmes d’identité ou d’exil. C’est avant tout l’histoire d’un homme confronté à ses convictions et qui se révèle un peu moins fort que ce qu’il imaginait. C’est un parcours de maturité et ça, tout le monde peut le comprendre. On a tous les mêmes difficultés dans le rapport à soi ou aux autres. Moi, je suis touché par des histoires islandaises ou japonaises. Au fond, on a tous, d’où qu’on vienne, envie d’être des gens bien et de faire au mieux.

Afrik : Dans votre film, le personnage fait souvent référence à Patrice Lumumba et à Sékou Touré. Cela a quelle signification ?

Alain Gomis : Tout ce qui est dit n’est pas à prendre au premier degré. Ces deux figures sont avant tout pour El Hadj des symboles de la lutte pour la décolonisation. Mon personnage considère que la décolonisation n’a pas encore vraiment eu lieu et sur ce point je le rejoins. Mais je n’accuse personne. Je constate seulement que le territoire n’est pas encore totalement maîtrisé. En ce qui concerne Sékou Touré, j’ai voulu rétablir une partie de ce qu’il était. Moi, j’ai grandi en France et j’ai toujours entendu que Sékou Touré était un dictateur, ce qui est vrai. Mais on ne parle jamais du Sékou Touré du début, de l’homme intelligent qu’il a pu être. On le présente uniquement comme un dictateur fou et paranoïaque, car la France n’a jamais supporté qu’il lui résiste. D’ailleurs, ce n’est pas innocent si, dans mon film, El Hadj veut rentrer au Sénégal pour y enseigner l’Histoire. Il veut l’enseigner vue du côté sénégalais et non français, ce qui change.

Afrik : Une partie du film se passe à Dakar. Comment s’est passé le tournage ?

Alain Gomis : Ça a été la partie du tournage la plus agréable ! C’est le seul endroit où j’ai réussi à faire exactement ce que je voulais. L’équipe était super, elle travaillait bien et avec efficacité. Je pensais que cela se passerait bien, mais là, ça a été au-delà de mes espérances. J’ai depuis envie d’y retourner pour tourner un court métrage. J’attends les financements.

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