Al Qaeda Maghreb prendrait-il racine en Mauritanie ?


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Une attaque non revendiquée a coûté la vie à quatre soldats, jeudi, en Mauritanie, trois jours après l’assassinat de quatre touristes français dans le sud du pays. Isselmou Ould Moustapha, directeur de publication de l’hebdomadaire mauritanien Tahalil, estime que son pays n’a pas pris la mesure de la menace que représentait pour lui Al Qaeda Maghreb, l’ex-GSPC algérien, auquel ces actes sont attribués. Interview.

Braquage, achat d’explosif, interpellations… l’hebdomadaire mauritanien Tahalil rapporte depuis quelques mois des faits attribués à des nationaux soupçonnés d’accointance avec Al Qaeda Maghreb. Depuis cinq jours, ce sont les assassinats de quatre touristes français, à Aleg, au sud du pays, et de quatre soldats mauritaniens, au nord-est, lundi et jeudi dernier, qui sont attribués à l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien. Contrairement à de nombreux intellectuels mauritaniens, qui soupçonnaient l’ancien président Maouyia Ould Taya, lorsqu’il était encore au pouvoir, d’agiter la menace terroriste pour justifier les privations de liberté de ses concitoyens, notamment des milieux réformistes musulmans, Isselmou Ould Moustapha, directeur de publication de Tahalil, n’a jamais douté de la menace djihadiste sur son pays. Il donne son point de vu à Afrik sur l’implication présumée d’Al Qaeda Maghreb dans les dernières violences en Mauritanie.

Afrik : Les deux attaques qui ont eu lieu en Mauritanie lundi et jeudi dernier sont-elles imputables au GSPC, même si elles n’ont pas été revendiquées ?

Isselmou Ould Moustapha :
La piste des contrebandiers est à écarter. Complètement. Ils n’ont pas cette audace ni l’équipement nécessaire pour attaquer une unité militaire. Compte tenu du modus operandi, il est quasiment certain qu’il s’agit du GSPC, devenu Al Qaeda Maghreb. Et compte tenu du profil des auteurs de l’attaque d’Aleg, on peut également désigner Al Qaeda Maghreb.

Afrik : Ces « auteurs », dont deux ont eu affaire à la justice, en mai dernier, pour des liens avec le GSPC, ont pourtant été acquittés par la cour criminelle de Nouakchott…

Isselmou Ould Moustapha :
Justement, l’un d’eux a été arrêté et acquitté, car à l’époque la justice ne disposait pas assez de preuves contre lui. Il aurait séjourné dans un camp du GSPC au nord du Mali. Un autre fait parti de cette mouvance salafiste du GSPC, il est actif dans les mosquées et se préparait à aller dans la zone du GSPC au nord du Mali. Mais le procureur de la République l’a libéré car les intentions n’étaient pas suffisantes pour l’envoyer en prison. Quant au troisième, il n’a pas participé à l’attaque, mais aurait hébergé les deux premiers.

Afrik : Tahalil a rapporté l’interpellation, le 16 octobre dernier, de trois jeunes Mauritaniens qui avaient acheté des explosifs, et qui sont soupçonnés d’avoir préparé des actes terroristes.

Isselmou Ould Moustapha :
Ceux-là sont encore en prison. Autrefois, tout ce que le gouvernement Ould Taya entreprenait ou déclarait était sujet au doute. L’intelligentsia mauritanienne était par exemple très sceptique quant à l’implication du GSPC dans l’attaque de la caserne de Lemgheity, en 2005. Et en fait, c’était eux.

Afrik : En doutiez-vous également ?

Isselmou Ould Moustapha :
Je n’avais pas de doutes. Mais je prêchais dans le désert. Dans la presse, nous étions taxés d’être les porte-paroles de la Sécurité (services de sécurité, ndlr) lorsque nous allions dans ce sens. Je fais parti des journalistes mauritaniens qui suivent depuis les années 1990 le développement des réseaux terroristes dans le Sahel. Je sais de quoi ils sont capables. On parle de la présence du GSPC en Mauritanie depuis le début des années 2000 et la prise d’otage des touristes Allemands et Autrichiens en Algérie, par Abderazak « le Para ». A l’époque, Paris-Match avait fait la Une avec sa photo, sur laquelle apparaissait un Mauritanien. Le fait que des enfants du pays puissent être avec eux avait déjà été un choc pour les Mauritaniens. Mais en ne prenant pas cela au sérieux, nous n’avons pas pu sensibiliser notre population. Un terroriste peut se retourner contre sa famille, contre son pays… pas seulement contre l’Occident. Le risque existe également pour nous. Maintenant, il n’y a plus Ould Taya, il n’y a plus les mensonges de sa police, mais le terrorisme est toujours là. Et on égorge chez nous, qui avons un grand capital moral et une grande tradition d’accueil, de paisibles touristes de passage. Nous devons faire un travail de sensibilisation auprès de la population, dans les écoles… et développer un appareil sécuritaire compétent et efficace.

Afrik : Vous avez également attribué, en novembre dernier, le braquage de deux agents du Trésor Public et le vol de 56 millions d’Ouguiya à Al Qaeda Maghreb…

Isselmou Ould Moustapha :
C’est un fait récent. Cela veut dire que malgré le verdict apaisant de juin 2007, les jeunes continuent à affluer vers le nord du Mali. La première action de ce genre date de 2006, lorsque le GSPC avait envoyé un certain « Hamam » pour acheter des explosifs. L’opération avait alors échoué mais cette fois, les jeunes ont été pris avec les explosifs. Je ne sais pas s’ils étaient destinés à des opérations en Mauritanie.

Afrik : Des éléments prouvent-ils aujourd’hui l’origine de ce braquage ?

Isselmou Ould Moustapha :
Non, il n’y a pas plus d’éléments. L’opération a été très bien réalisée et les malfaiteurs se sont évaporés dans la nature. C’est comme cela que ça a commencé en Algérie. Avec des attaques pour constituer un trésor de guerre.

Afrik : Les observateurs de la situation sécuritaire dans le sud du Sahara insistent souvent sur l’imbrication de ce phénomène avec le banditisme et les trafics en tout genre… Certains évoquent également l’engagement de Sahraouis déçus de la stratégie du Polisario…

Isselmou Ould Moustapha :
Je confirme que la nouvelle génération de Sahraouis comprend des éléments salafistes qui ont coupé avec l’idéologie du Polisario et de la République arabe sahraoui démocratique. L’un des premiers éléments du GSPC en Mauritanie, Mohamed Amine Ould Lawlad, un recruteur, était un Sahraoui. Il est mort en avril 2006 dans un bombardement de l’armée algérienne dans les environs de Ghardaïa. Quant à l’imbrication du banditisme et du terrorisme, elle est réelle. Avant d’être idéologique, la mission des recruteurs, qui se présentent dans les mosquées en développant un discours incendiaire sur la situation en Afghanistan, en Irak, sur Israël… est avant tout de récolter des fonds, par le trafic de cigarettes… Les recettes vont directement aux premières lignes du GSPC en Algérie.

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