Buda Musique a la bonne idée de nous offrir une compilation de chansons égyptiennes d’autrefois (des années 20 aux années 60), chansons dont certaines sont devenues de véritables classiques dans tous les pays arabes du Maroc au Yémen, aux paroles connues de (presque) tous, un peu comme le sont en France «L’amant de Saint-Jean» ou certaines chansons de Piaf ou de Brassens…
Les plus grands sont tous là : Oum Kalthoum, Mohamed Abdel Wahab, Abel Halim Hafez, Farid El Atrache, mais aussi, pour notre plus grand plaisir, des artistes remarquables, moins connus hors d’Orient. Comme Laure Daccache, Egyptienne d’origine libanaise, non seulement chanteuse mais aussi l’une des premières femmes arabes à composer elle-même ses chansons et à s’accompagner au ‘oud, ou encore Asmahane, soeur de Farid El Atrache, beauté aux yeux verts disparue à 27 ans dans un accident de voiture que la rumeur a longtemps prêté à la jalousie de Oum Kalthoum, qui n’était pas aussi gâtée par la nature…
Le livret – très bien documenté par Thibault Leroux, et qui offre une abondante et intéressante iconographie, nous présente des photos, tirés des comédies musicales égyptiennes d’autrefois où l’on voyait des danseuses du ventre lascives dévoilant leurs nombrils et leurs charmes. Souvent les scènes se passaient dans des cabarets, où un public égyptien très chic – messieurs en smoking et dames en robes longues du soir – buvait du champagne et dansait en couple.
Pour se rappeler ces temps où l’on pouvait sans problème être musulman et moderne, aller à la mosquée et s’amuser, divertir et gagner une immense audience sans verser dans la vulgarité, on ne résiste pas au plaisir de vous montrer, dans l’un de ces films musicaux qui étaient diffusés sur toutes les télés arabes (du Maroc au Yémen toujours, et même en Arabie Saoudite, qui a bien changé depuis), Asmahane chantant le – désormais classique – «Layali el ouns» (Les nuits de l’amour», dont le titre est «Les nuits d’amour à Vienne», car la valse était alors, avec le tango ou la rumba, l’une des danses dansées dans cette région du monde aussi.
Et l’on songe avec tristesse que bien des scènes de ces films – sinon les films entiers – seraient censuré(es) aujourd’hui, dans bien des pays arabes gagnés par un islamisme qui est une pure invention du XX° siècle, et non, comme le prétendent ses prosélytes, une tradition….