Raynald Ballo, Doctorant en géographie à l’université du Havre, en Normandie, en France, travaille sur le numérique et les mobilités partagées en Afrique de l’Ouest. Au cours de la Semaine de la mobilité urbaine et du climat à Dakar, il est intervenu à l’atelier Digitalisation du transport artisanal, avec l’Observatoire des mobilités Movin’on Lab Africa. Il a en outre pitché sur RMobility, une application de mobilité partagée. Il s’est confié à Afrik.com.
A Dakar,
C’est dans le cadre de l’université d’été organisé par la Codatu que Raynald Ballo a été coopté pour prendre part aux travaux. Parmi les objectifs majeurs, réunir les doctorants afin de pouvoir travailler sur les retours d’expérience en matière de recherches, en termes de terrains vécus, de méthodologie, d’outils, de prise de contact. «Il était question d’apprendre des autres sur des questions de recherche, comment travailler sur la méthodologie et tout ce qui est observation de terrain et recueil de données. C’était tout un travail qui a été réalisé dans ce cadre. Un moment de partage et d’échange très enrichissant avec les différents doctorants sur les sujets de transport, sur différents territoires notamment. Parce que certains travaillent sur différentes villes, donc à différentes échelles. Et le Salon permet de se faire une idée de la plupart des sujets, mais aussi de voir comment est-ce que les méthodologies sont relativement orientées pour voir ces différents sujets».
Prendre en compte les réalités du transport artisanal
Au cours de la Semaine de la mobilité et du climat, le Doctorant a eu à intervenir à l’atelier Digitalisation du transport artisanal, avec l’Observatoire des mobilités Movin’on Lab Africa. «L’idée était de travailler sur les freins, les défis autour de l’organisation du transport artisanal et trouver des leviers pour parvenir à une digitalisation beaucoup plus inclusive et qui prenne en compte les réalités du transport artisanal, améliorer les conditions de déplacement. Cela a permis de tracer une feuille de route pour, en gros, savoir comment s’orienter par rapport à la prise en compte de ces différents acteurs et de la problématique du transport artisanal. Une occasion de pitcher sur une des solutions que nous avons déployées».
«Pour des questions écologiques, il est important qu’on puisse diviser par quatre l’émission de CO2 à chaque déplacement que nous réalisons. Et cela pourrait passer par le covoiturage»
Si Raynald Ballo a été à Dakar, c’est parce qu’il a été sélectionné par Climate Chance pour pitcher sur RMobility, qui est une application de mobilité partagée qui inclut les taxis de l’informel, les bus interurbains, les motos ainsi que les particuliers qui ont leur propre véhicule, et qui peuvent covoiturer au quotidien ou de manière occasionnelle. «Et aujourd’hui, cette application est déjà fonctionnelle au Bénin et au Togo, faisant déjà 10 000 membres à ce jour, avec plus de 13 000 trajets sur la plateforme. Dans un degré moindre, nous envisageons à très fortement nous lancer au Sénégal, au Mali et au Burkina Faso».
Partager les frais de déplacement
Aujourd’hui, des moyens de paiement existent déjà dans ces différents pays. Il s’agit de transactions par Mobile Money. «Une application aujourd’hui disponible sur tous les stores et le dispositif de sécurité est au cœur de cette plateforme. Sans ajouter la pièce d’identité et les informations sur son véhicule, le conducteur ne peut pas publier le trajet. Et c’est pareil aussi pour le passager, sans ajouter la pièce d’identité et faire valider cette information, le passager non plus ne pourra pas entrer en relation. Ce qui fait qu’on crée une communauté de confiance pour permettre aux gens de partager les frais de déplacement. Parce qu’aujourd’hui, avec le coût du carburant, les bouchons qu’on observe partout, il n’est pas évident de pouvoir se déplacer. Et pour des questions écologiques, il est important qu’on puisse diviser par quatre l’émission de CO2 à chaque déplacement que nous réalisons. Et cela pourrait passer par le covoiturage».
«Avec la croissance démographique qui va encore s’intensifier d’ici 2050, il sera très compliqué de vivre en ville alors que tous les jours, nous avons des déplacements à réaliser»
Pour M. Ballo, en termes d’enseignement, le monde en général et le continent africain en particulier, a bien compris que la question urbaine est très importante, avec la croissance démographique. «Et cette situation s’observe sur tout le long des pays du Golfe de Guinée. Le constat est que nos capitales sont souvent sur le littoral et ces villes sont déjà surchargées. Et avec la croissance démographique qui va encore s’intensifier d’ici 2050, il sera très compliqué de vivre en ville alors que tous les jours, nous avons des déplacements à réaliser. Un autre point essentiel, la question de l’économie d’énergie, sans compter l’accessibilité pour les personnes qui sont relativement en situation de handicap. «Il faut donc que la situation du transport de demain, l’accessibilité notamment, soit équitable pour tous. Une justice sociale en termes d’accessibilité. C’est fondamental dans les jours à venir et aussi de prendre en compte le genre, notamment la place de la femme dans les transports. L’enjeu essentiel aujourd’hui pour nous, en termes de projet d’avenir, c’est de pouvoir agir très rapidement sur la question de la mobilité urbaine».
Développer la pratique du covoiturage
Pourquoi faut-il le faire ? «Parce que nous avons pensé à mettre en place une plateforme qui aide à réaliser ces transformations. Et nous avons envie de travailler avec les autorités locales comme les ministères des Transports, les Administrations publiques ainsi que les entreprises privées qui ont un potentiel de salariés assez important pour pouvoir déployer, dans ces différentes administrations, notre système de covoiturage pour que les collègues entre eux puissent l’adopter. Nous avons donc l’intention de déployer RMobility PRO pour ces différents acteurs, afin de développer la pratique du covoiturage pour que les gens qui se connaissent déjà et qui font généralement le même trajet domicile-travail, habitent relativement dans le même quartier ou relativement à proximité, puissent partager les places».
«Utiliser les places vides de nos véhicules pour les partager avec les collègues… Faire le même trajet… La circulation sera beaucoup plus fluide, et nous allons aussi gagner en termes d’économie d’énergie»
«Si je prends l’exemple de Dakar où j’ai fait sept jours, où chaque matin on partait de Mermoz pour le quartier Les Almadies. Tous les matins, il faut faire 01h30 dans les bouchons alors qu’on n’est même pas à trois kilomètres. C’est désastreux ! Et quand on regarde dans ces véhicules, ce sont des gens qui sont seuls à leur volant. Quelque part, il faut qu’on mette de côté l’égo et qu’on reprenne avec le sentiment, avec la tradition de partage que nous avons en Afrique, en termes de transport. Du coup, à partir de ce moment, nous utiliserons les places vides de nos véhicules pour les partager avec les collègues. Et comme ça, on va faire le même trajet et tout sera économique. Et la circulation sera beaucoup plus fluide. Et nous allons aussi gagner en termes d’économie d’énergie».
Récompenser les gens qui font du covoiturage
Si la start-up met en place ce système de covoiturage, elle ne compte pas se limiter là. Elle prévoit «un programme de fidélité que nous allons intégrer, développé par l’entreprise Transway, pour récompenser les gens qui font du covoiturage. Donc ces personnes-là vont gagner des points qui seront convertis en cadeaux. Et cela va les inciter à régulièrement pratiquer le covoiturage. C’est à ce stade-là que nous sommes, aujourd’hui. Il ne suffit pas simplement de proposer des solutions aux gens et de les laisser comme ça, mais de les accompagner également, de les inciter régulièrement à pouvoir faire cette pratique. A avoir ce sentiment d’appartenance à une communauté active dynamique et aussi récompensante. Donc c’est vraiment ce qui nous tient à cœur au travers des solutions que nous proposons aujourd’hui, en termes de mobilité urbaine durable».
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