
Dans un continent encore faiblement connecté par les airs, Air Algérie entend jouer un rôle stratégique en s’imposant comme un acteur incontournable du transport aérien africain. Fort de la position géographique d’Alger et d’une politique tarifaire offensive, le pavillon national algérien veut transformer la capitale en hub régional et international. Décryptage avec son PDG Hamza Benhamouda d’une ambition affirmée face aux défis du marché.
Air Algérie affiche une ambition panafricaine grandissante. Quelle est votre vision pour renforcer la présence de la compagnie sur le continent et en faire un acteur clé du transport aérien en Afrique ?
Hamza Benhamouda : L’Afrique, avec ses 1,5 milliard d’habitants, représente près de 20 % de la population mondiale. Pourtant, elle ne dispose que d’une demi-douzaine de compagnies aériennes capables d’assurer des liaisons intercontinentales. La connectivité entre les pays africains reste largement dominée par les grandes alliances aériennes mondiales que sont Skyteam, Star Alliance et One World. Le trafic passagers africain ne représente que 2 % du total mondial.
Cela révèle un potentiel de croissance considérable. Ce développement pourrait générer d’importants bénéfices économiques pour le continent. C’est précisément dans cette perspective qu’Air Algérie entend jouer un rôle moteur dans la structuration et l’expansion du transport aérien africain.
Vous évoquez souvent le concept de « hub ». Concrètement, comment Air Algérie compte-t-elle faire d’Alger un hub régional et international pour le trafic aérien africain ?
Hamza Benhamouda : Un hub est d’abord un modèle d’organisation du transport aérien autour d’un aéroport majeur, à partir duquel les passagers peuvent se connecter à un réseau étendu. Cela repose à la fois sur des infrastructures aéroportuaires, qui relèvent des autorités compétentes, et sur un réseau de vols, qui dépend de la stratégie de la compagnie.
L’aéroport d’Alger est déjà configuré comme un hub, mais son développement reste conditionné par l’extension du réseau international d’Air Algérie. Cela suppose notamment une montée en puissance de notre flotte pour répondre à la croissance de la demande.
Géographiquement, Alger est un hub naturel pour l’Afrique. Depuis la capitale algérienne, la majorité des grandes destinations mondiales — en Asie, en Amérique du Nord ou du Sud — sont accessibles en moins de 12 heures de vol, ce qui correspond parfaitement au rayon d’action de nos avions long-courriers.
La connectivité intra-africaine est un défi majeur. Comment Air Algérie envisage-t-elle de développer de nouvelles routes et d’améliorer les vols entre les capitales africaines ?
Hamza Benhamouda : L’un des grands handicaps du transport aérien africain réside dans sa faible connectivité interne. Trop souvent, les passagers doivent passer par des hubs extra-continentaux — comme Dubaï, Paris ou Istanbul — pour relier deux capitales africaines. Ce dysfonctionnement découle d’un manque d’intégration régionale et de la persistance de restrictions bilatérales qui freinent l’essor de lignes directes.
Par ailleurs, les coûts d’exploitation sur le continent restent parmi les plus élevés au monde. Le carburant, les taxes aéroportuaires ou encore les frais de maintenance pèsent lourdement sur les prix des billets. Dans certains cas, taxes et redevances peuvent représenter 30 à 50 % du tarif final, ce qui freine la demande.
Dans ce contexte contraint, nos marges de manœuvre sont limitées. Mais nous travaillons activement au développement de routes intra-africaines, convaincus qu’Air Algérie a un rôle structurant à jouer.
Avec l’émergence de nouvelles compagnies et la montée en puissance de hubs africains comme Addis-Abeba ou Johannesburg, quels sont les atouts spécifiques d’Alger ?
Hamza Benhamouda : Comme évoqué précédemment, la localisation d’Alger est un atout stratégique. Sa position au carrefour entre l’Afrique, l’Europe, le Moyen-Orient et l’Amérique permet d’envisager une connectivité optimisée pour les flux de passagers africains. C’est un avantage géographique qu’Air Algérie entend pleinement exploiter dans sa stratégie de croissance.
Quelle est la politique commerciale d’Air Algérie en direction des marchés africains ?
Hamza Benhamouda : Le citoyen africain est confronté à un paradoxe : le faible pouvoir d’achat d’une grande partie de la population limite la demande en transport aérien, obligeant les compagnies à pratiquer des tarifs élevés pour équilibrer leurs coûts. Résultat : le marché reste largement captif d’une clientèle aisée ou de voyageurs d’affaires.

Dans ce contexte difficile, Air Algérie mise sur une politique commerciale offensive, avec un bon rapport qualité/prix. Nos tarifs et notre politique bagages sont pensés pour séduire une clientèle plus large. Afin de concurrencer les vols directs entre capitales africaines et européennes, nous proposons des tarifs compétitifs avec des temps de correspondance réduits au départ d’Alger.
Cette stratégie porte ses fruits : nous avons enregistré une croissance de 34 % du trafic passagers entre 2019 et 2024. Et nous sommes déterminés à poursuivre sur cette dynamique pour faire d’Air Algérie un leader panafricain du ciel.