L’aide internationale est de plus en plus décriée. Ses effets sont stériles car les penseurs de cette aide sont déracinés et écrivent leur programme de leur bureau, déconnectés du terrain. Dans son article, Matt Warner, dénonce les échecs de l’aide internationale tout en acceptant l’idée qu’elle part d’un bon sentiment. Il cite alors des cas où des mesures ont été totalement contre-productives Pour lui, les pauvres n’existent pas, ce sont les environnements où ils vivent qui le sont.
La solution à la pauvreté mondiale est plus simple que vous ne le pensez, à condition d’adopter une nouvelle stratégie philanthropique de manière à changer notre vision de nous mêmes et de ceux que nous espérons aider.
Dans le prochain rapport annuel de la Banque mondiale, à paraître en 2018, pour la première fois, l’impact des petites réformes institutionnelles (comme le renforcement des droits de propriété privée), sur le niveau de pauvreté, sera quantifié. Les résultats montrent que, pour chaque augmentation de cinq unités du score d’un pays sur l’indice « Doing Business », il s’en suit une baisse d’un pour cent du niveau de pauvreté. En d’autres termes, plus un gouvernement permet aux pauvres d’exercer leurs droits économiques, moins le niveau de pauvreté est haut dans ce pays.
Efforts honnêtes, conséquences inattendues
Ainsi, les pauvres savent mieux que nous ce qu’il faudrait faire pour sortir de la pauvreté. Alors pourquoi nous ne les laissons pas faire? D’évidence, le courant dominant de l’aide au développement perpétue un paternalisme reposant sur l’expertise technique des étrangers en ignorant totalement les choix des bénéficiaires locaux.
Prenons l’exemple des experts étrangers, représentant le Millennium Villages Project, qui ont recommandé et soutenu financièrement de nouvelles cultures et méthodes agricoles dans un village ougandais. Ça a marché, puisque les rendements des récoltes ont considérablement augmenté, mais rapidement les villageois ont fini par être malheureux, même rancuniers, car il n’y avait pas de débouchés pour écouler leurs récoltes qui ont fini par pourrir. En fait, il s’est avéré que le coût pour amener les camions au village afin de transporter la récolte supplémentaire sur le marché a dépassé sa valeur. D’évidence, si les villageois avaient été consultés lors de la réalisation du programme, ils auraient pu évaluer le risque dans le contexte.
Il existe d’innombrables histoires telles que l’aventure du village ougandais pour apprendre de ses erreurs en dépit des efforts honnêtes et des bonnes intentions. La conséquence est que le monde en développement est étouffé des conséquences de grands projets construits de toute pièce par des experts extérieurs déconnectés du milieu. Le colonialisme brutal du passé a cédé la place à l’industrie de l’aide apparemment sérieuse et généreuse.
En 2016, l’aide au développement dans le monde a atteint un nouveau sommet de 143 milliards de dollars. Ce serait une nouvelle encourageante si l’aide au développement avait permis de réaliser des changements économiques durables. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Un nombre croissant d’experts en développement économique de haut niveau, parmi eux le lauréat du prix Nobel de 2015, Angus Deaton, mettent en garde contre le modèle actuel d’aide pour atténuer la pauvreté systémique dans le monde, car il fait plus de mal que de bien et doit être abandonné.
Bien sûr, faire face aux pauvres du monde est tout aussi troublant que de constater que nos meilleurs efforts philanthropiques au cours des 60 dernières années ont peut-être empêché le succès économique parmi ceux qui en ont le plus besoin. Cela dit, nous pouvons nous réconforter maintenant en reconnaissant qu’il y a une meilleure façon de faire les choses.
Ils doivent diriger, nous devons suivre
L’année dernière, en Inde, un groupe de réflexion indépendant, appelé Centre for Civil Society (Centre pour la société civile), a plaidé et a réussi à faire pression pour abroger les exigences de capital minimum lors de la création d’entreprises, une pratique qui impose un fardeau disproportionné aux pauvres. Ce changement a augmenté le score et amélioré le classement de l’Inde dans l’indice « Doing Business » de la Banque mondiale.
Concrètement, cela se traduit par l’équivalent de 321 000 personnes qui ont pu elles-mêmes sortir de la pauvreté. Ainsi, au lieu de s’évertuer à aider les pauvres, l’Inde leur a redonné de la dignité en rétablissant un droit économique. Ces personnes ayant les connaissances nécessaires pour progresser durablement ont pu profiter des opportunités qu’elles jugent pertinentes.
Les études montrent que les personnes démunies se déplacent vers des pays ayant des droits économiques garantissant la prospérité. Comme l’explique l’expert en développement de Harvard, Lant Pritchett: «Il n’y a pas de pauvres. Il y a des gens qui vivent dans des endroits pauvres ». Cela signifie que des réformes internes contextualisées sont indispensables. Le modèle de l’aide conçue à l’étranger est un échec.
Avec son budget annuel d’environ 1 million de dollars, Centre for Civil Society réalise ce que des milliards n’ont pas réussi à faire. Et il existe des organisations similaires à travers le monde qui font de même.
Pour les étrangers, la philanthropie privée à l’appui de ces organisations locales est la meilleure façon de faire une grande différence car elles permettent de restaurer les droits économiques dans le monde entier. Ils doivent diriger, nous devons suivre, si nous voulons commencer à faire du vrai développement durable.
Matt Warner est chef exécutif à Atlas Network.
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.