
Face à une crise économique régionale, l’Algérie d’Abdelmadjid Tebboune mobilise des ressources exceptionnelles pour préserver la tradition sacrée du sacrifice, quand le Maroc de Mohammed VI demande à sa population d’y renoncer. Un contraste saisissant qui va bien au-delà d’un simple débat religieux et révèle deux visions radicalement différentes de la gouvernance et du rapport entre dirigeants et citoyens.
Une Algérie proactive face aux défis économiques
Conscient de l’importance fondamentale du sacrifice rituel pour la population, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a fait preuve de leadership en prenant des mesures concrètes et ambitieuses. Lors d’une récente réunion du Conseil des ministres, il a ordonné l’importation massive d’un million de têtes de bétail pour garantir que chaque famille puisse célébrer dignement l’Aïd el-Adha.
Cette initiative, entièrement prise en charge par l’État à travers ses organismes spécialisés, s’accompagne d’un mécanisme complet de distribution. Des coopératives publiques seront mobilisées pour assurer une répartition équitable, tandis que des dispositifs spécifiques seront déployés au sein des entreprises et administrations. Ces mesures permettront aux travailleurs d’acquérir un mouton à prix abordable via les services sociaux.
La politique mise en œuvre par Alger démontre une approche pragmatique qui concilie impératifs économiques et respect des traditions religieuses profondément ancrées dans la société. Elle témoigne également d’une volonté de préserver le pouvoir d’achat des citoyens dans un contexte inflationniste mondial.
Le Maroc : une abstention imposée sans compensation
La situation au Maroc présente un contraste frappant. Pour la première fois depuis près de trois décennies, Mohammed VI a demandé à ses sujets de renoncer au sacrifice du mouton, invoquant une sécheresse historique qui a décimé le cheptel national de 38% en une seule année et provoqué une flambée des prix.
Le souverain, s’appuyant sur son statut de « commandeur des croyants« , a présenté cette décision comme un acte de solidarité nationale. Il a insisté sur le fait que cette tradition, bien que significative, n’est pas un pilier obligatoire de l’islam mais une simple « sounna » (pratique recommandée).
Si le discours officiel met en avant l’urgence écologique et économique, cette approche suscite de vives critiques au sein de la population. L’absence de mesures alternatives pour soutenir les éleveurs et les commerçants du secteur laisse de nombreux acteurs économiques dans une situation précaire, sans filet de sécurité.
Deux visions de gouvernance mises à nu
Au-delà des justifications climatiques et économiques, la différence d’approche entre les deux pays voisins soulève des questions fondamentales sur la relation entre gouvernants et gouvernés.
D’un côté, l’Algérie met en place un système de soutien actif qui montre une préoccupation réelle pour le bien-être de ses citoyens. De l’autre, le Maroc demande à sa population de se sacrifier, tout en maintenant un train de vie royal qui continue d’afficher des signes d’opulence. Cette contradiction est illustrée par l’acquisition récente par Mohammed VI de deux voitures Laraki Sahara d’une valeur totale de 4,4 millions de dollars, alors même que ses sujets sont appelés à l’austérité.
Ce décalage alimente un sentiment croissant de frustration dans un royaume où l’inflation érode déjà considérablement le pouvoir d’achat. Pour de nombreuses familles marocaines, le sacrifice du mouton représente un moment de partage communautaire et de dignité sociale profondément enraciné dans la culture populaire.
Entre pragmatisme algérien et déconnexion marocaine
L’approche algérienne, bien que représentant un investissement significatif pour les finances publiques, permet de maintenir un équilibre social crucial. Elle témoigne d’une gouvernance attentive aux aspirations populaires et aux réalités socio-économiques du pays. À l’inverse, la position marocaine, malgré sa présentation comme un choix écologique et responsable, souffre d’un manque d’accompagnement économique qui pénalise doublement les éleveurs et les familles modestes. Cette situation, combinée aux critiques récurrentes concernant le faste de la cour royale, alimente un malaise social de plus en plus palpable.
Cette divergence met en lumière deux philosophies de gouvernance diamétralement opposées : l’une interventionniste et solidaire, l’autre austère pour le peuple mais maintenant les privilèges de l’élite.