Militante et passionnée, Agnès Adjaho dirige la grande librairie Notre-Dame de Cotonou. Itinéraire d’une femme qui s’est donnée pour vocation de développer son pays, coûte que coûte.
» Je veux le meilleur pour le Bénin. Je veux que la population puisse se procurer les livres ici, sans être obligée d’aller à Dakar ou à Lomé. « Un défi de Titan qu’Agnès Adjaho, fervente catholique et directrice de la librairie Notre-Dame à Cotonou, a su relever avec une volonté de fer. Un défi, en effet, dans un pays où le taux d’analphabétisme général s’élève à 77 % pour dépasser les 88 % chez les femmes, et où le revenu moyen d’un Béninois est équivalent à 350 francs français par mois.
Lorsqu’elle a pris la direction de l’ancienne procure des missions catholiques en 1986, Agnès Adjaho ne connaissait pas grand-chose au monde du livre. Mais elle savait avec fermeté ce qu’elle voulait faire : » concourir au développement culturel et social, fournir des outils de réflexion et d’action, encore très restreints à cette époque où le Bénin vivait sous le régime marxiste « .
Des avancées pour le Bénin
En 1973, une fois sa licence de géographie obtenue à Paris et suivie d’un diplôme d’urbanisme en habitat, elle milite une dizaine d’années dans des associations pour la coopération Nord-Sud. Agnès Adjaho passe son temps entre l’Afrique et l’Europe et fait ses armes à la CCFD comme chargée de mission du secteur Afrique. Début 1982, retour à Cotonou avec l’envie de tout quitter pour s’occuper de son pays.
Rencontre avec l’archevêque Mgr De Souza, figure emblématique pour ses combats sociaux qui l’encourage à travailler avec lui au sein du Service diocésain de développement. Là, elle est sur tous les fronts. De nombreuses » avancées « , son terme de prédilection, voient le jour : coopération de pêcheurs, formation pour les femmes, adductions d’eau, maternité, etc. : » Nous étions catholiques et révolutionnaires marxistes ! « se souvient-elle.
Puis en 1985, elle se marie, attend son premier enfant et pense à la relève. Mgr De Souza lui propose alors de redynamiser cette procure un peu vieillotte, créée en 1958, pour en faire une librairie générale. » Il n’y avait pas de librairie digne de ce nom, et les seuls livres disponibles, à l’exception des livres pour la jeunesse étaient ceux de l’Afrique croustillante, des dessous de la politique franco-africaine, comme les best-sellers de Pierre Péan. C’était un défi pour moi. J’ai accepté. «
Femme de tête et de coeur
Aujourd’hui, la directrice à la voix de velours n’est pas peu fière du résultat : en baies vitrées, la librairie Notre-Dame trône sur trois niveaux et 900 m2. Près de dix mille titres, sur tous les thèmes et pour toutes les bourses. La littérature négro-africaine côtoie les rayons pluridisciplinaires : technique, politique, économique. Agnès Adjaho a mis un point d’honneur à aménager un rayon Afrique, un autre Tiers-monde et le sacro-saint thème » social » très demandé par les Béninois et dédié aux ouvrages pratiques sur les savoir-faire locaux. On y trouve aussi les livres d’art pour diplomates de passage, les livres de poches et religieux, et les livres scolaires qui représentent 35 % du chiffre d’affaires qui s’élève à 800 millions de francs CFA.
Fidèle à ses principes, elle s’efforce de dénicher » tout ce qui existe sur le Bénin « . Un rayon université vient d’être créé. Une annexe de Notre-Dame ouvrira ses portes dans un quartier résidentiel de Cotonou d’ici la fin de l’année. A 51 ans, Agnès Adjaho, mère de trois enfants, femme de tête et de coeur, fourmille de projets. En gestation, la création d’une maison d’édition, la production locale étant très faible. Car » la pauvreté n’exclut pas qu’on donne le meilleur « déclare-t-elle d’une phrase qui résume son combat de toujours.
Librairie Notre-Dame
Avenue Clozel
BP 307 Cotonou-Benin