Par Ana Teresa Benjamín
La population afrodescendante —pas seulement au Panamá, mais dans toute l’Amérique Latine— continue de subir l’invisibilité et la discrimination comme conséquence des politiques universelles qui les excluent du développement.
Selon l’expert du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) Andras Uthoff, cette réalité est une manifestation du peu de cohésion sociale qui existe dans les sociétés latinoaméricaines, comprise comme le sentiment d’appartenance, la confiance en ses institutions et l’acceptation de la réalité multiculturelle entre autres facteurs.
Uthoff souligne que la cohésion sociale peut se mesurer non seulement à partir de ces valeurs subjectives (appartenance et confiance), mais aussi des indicateurs statistiques qui permettent de connaitre la réalité de la population.
“On peut mesurer avec des indicateurs de revenu, d’emploi, d’éducation ou de logement”, indique le spécialiste, mais on sait peu de choses de la population afrodescendante, justement parce qu’il existe une invisibilité statistique.
Selon l’étude Droits de la population afrodescendante d’Amérique Latine : Défis pour son implémentation (Derechos de la población afrodescendiente de América Latina: Desafíos para su implementación) du PNUD, “la restriction des données, leur invisibilité, leur inexistence, leur irrégularité ou même leur négation constituent un premier obstacle a surmonter” quand on essaie de connaitre la situation des droits des populations afrodescendantes de la région.
D’après Eunice Meneses, secrétaire exécutive de la Coordination Nationale des Organisations Noires Panaméennes (Coordinadora Nacional de Organizaciones Negras Panameñas) le problème au Panama commence par la “résistance à reconnaitre qu’il existe un problème de discrimination raciale ” dans le pays.
Meneses indique que cette réalité n’étant pas reconnue, on estime qu’il n’est donc pas nécessaire pour mettre en place des politiques publiques spécifiques pour traiter les problèmes de cette population.
Selon Uthoff, “la population afrodescendante est la pire de toutes” dans la région, et la cohésion sociale de ce groupe avec son environnement est faible ou nulle, précisément à cause de l’exclusion.
“Quand on parle de la pauvreté au Panamá, elle porte le visage d’un indigène ou d’un noir”, souligne Meneses. Cette pauvreté n’est rien d’autre qu’une manifestation de la marginalisation dans laquelle ils ont vécu.
L’étude du PNUD souligne le fait qu’en Amérique Latine et dans les Caraïbes “la population noire est établie en grande majorité dans des régions et des zones marginalisées des politiques d’état de protection et de développement social, avec des taux élevés de chômage, un accès limité aux systèmes de santé et d’éducation de qualité”.
Uthoff indiquait —lors d’un séminaire sur les politiques et les programmes d’inclusion sociale de la population afropanaméenne qui s’est tenue la semaine dernière— que les politiques publiques universelles servent peu, car elles produisent des avancées moyennes qui ne décrivent en rien la réalité ethnique.
“Les politiques universelles ne servent pas car nous n’avons par exemple pas le même accès à l’emploi par exemple”, souligne Meneses. Elle ajoute que l’État devrait mettre en place des politiques qui permettent à la population noire d’être en concurrence dans les mêmes conditions.
Cette réalité explique justement la raison pour laquelle, selon la Coordinatrice, il était important que la question sur l’afrodescendance soit incluse dans les recensements de mai dernier. Meneses souligne que les groupes afrodescendants panaméens n’ont pas de grands espoirs quant aux résultats qui seront publiés en décembre, car, selon eux, le recensement n’a pas été bien mené.
Dans ces conditions, Meneses dit que l’invisibilité statistique se poursuivra.
Lors du séminaire, les représentants du Ministère du Travail (Mitradel), de l’Éducation (Meduca) et de la Santé (Minsa) ont été invités à exposer sur les politiques publiques en faveur de la population afro, et cette partie n’apparaissait dans aucune communication.
Raymundo Hurtado Lay, directeur National de l’Éducation a évoqué les activités organisées dans les écoles pour faire ressortir l’ethnie noire, tandis qu’Ariel González, directeur de la Main d’œuvre du Mitradel a fait un exposé sur la bourse de l’emploi géré par le ministère.
Carolina Freire, directrice de la Promotion du Minsa, a souligné les politiques visant à améliorer la santé de la femme et des enfants et, comme les autres fonctionnaires, elle a souligné l’universalité des plans gouvernementaux.