Voilà un disque formidable, l’un des meilleurs disques, dans la production “musiques du monde”, qui soit paru ces dernières années ! Afrocubism réunit des musiciens maliens et cubains – et parmi les meilleurs d’entre eux ! – pour nous offrir un disque plein de bonne humeur et d’énergies positives, dans lequel le balafon sahélien rythme naturellement les chansons latines et un chant en bambara dialogue avec une chanson en espagnol.
Histoire d’un cousinage retrouvé, de liens ancestraux renoués, Afrocubism marquera un jalon important dans l’histoire de la valorisation des musiques africaines auprès du public: car le monde entier est d’abord tombé amoureux des rythmes d’Afrique… dans leur version latino-américaine !
Buena Vista Social Club fut en effet le plus grand succès de l’histoire pour les disques de musiques du monde, avec 8 millions d’exemplaires vendus, et il est rare de trouver quelqu’un, sur la planète, qui n’aime pas les musiques cubaines ! Depuis les années 30, le monde entier danse sur les rythmes latinos…
Afrocubism est la rencontre entre Eliades Ochoa, l’un des guitaristes et chanteurs du célébrissime groupe cubain, et quelques stars de la musique malienne: Toumani Diabaté à la kora, Bassekou Kouyaté au n’goni, Djelimady Tounkara à la guitare électrique, Kasse Mady Diabaté au chant, et, largement mis à l’honneur ici car les percussions sont un élément important des musiques cubaines, Lassana Diabaté au balafon.
L’histoire raconte que lorsque le Buena Vista Social Club fut redécouvert, en 1996, le groupe devait enregistrer à New York, en compagnie d’artistes maliens: c’était une idée de Nick Gold, leur producteur. Mais les Maliens ne reçurent pas leur visa… et les Cubains enregistrèrent seuls ce qui allait devenir un disque-culte. 15 ans après, réparation est donc faite – et l’ingrédient principal qui avait fait le succès du disque “Buena Vista Social Club” est là, avec “Afrocubism”: la bonne humeur par la musique. Le bonheur pur, mis en musique !
Un disque qui “coule de source”
C’est donc une heure de pur bonheur qui nous est offerte ici, et elle éclate d’emblée, dès le titre qui ouvre l’album, “Mali Cuba”. Le son rond et plein du balafon semble avoir été inventé pour le rythme cubain, et Lassana Diabaté nous le joue ici décontracté, cool, “latino”, comme si le balafon était plus cubain qu’africain ! Les titres se succèdent: “Al vaivén de mi carreta”, “Karamo”, “A la luna yo me voy”, “Nima Diyala”, mais les titres importent peu: la musique est totalement métissée, et naturellement.
Cela fait quelques années que, tels les inventeurs du fil à couper le beurre, certains croient avoir trouvé “l’origine du blues”: le Mali! Mais c’est en réalité tout le continent africain qui est à l’origine des musiques noires et latino-américaines, sans que l’on sache exactement d’où vient telle musique, parce que la traite a mêlé pendant des siècles des hommes et des femmes venus de tout le continent, sans les séparer à l’arrivée par région d’origine.
Les parentés sont ainsi évidentes entre le rythme ghanéen de la “high-life” et la calypso caribéenne, entre la rumba congolaise et la rumba cubaine, et, comme on le verra ici, entre la salsa et les rythmes circulaires que l’on trouve dans toute l’Afrique de l’Ouest, du Sénégal au Mali en passant par la Côte d’Ivoire.
Un disque qui “coule de source”, donc, et où les musiques des deux continents se mêlent aussi naturellement, et pour les mêmes raisons, que les musiques arabes et espagnoles dans certaines productions récentes. La preuve que les artistes réunis dans Afrocubism parlent la même langue musicale: ils n’avaient jamais joué ensemble et ont enregistré 17 titres en cinq jours seulement, puis 9 autres titres quelque temps plus tard. Quand les Cubains rencontrent leurs cousins Maliens, on entend, à l’oreille, la joie et des autres de s’être enfin retrouvés !
Commander Afrocubism, World Circuit, Distrib. Harmonia Mundi, 2010.