Fondée par deux serials entrepreneurs, Haweya Mohamed et Ammin Youssouf, la conférence Afrobytes, qui fait le pont entre la Tech Africaine et Européenne, réunira les acteurs de la Tech mondiale à Paris les 8-9 juin 2017. L’objectif : les connecter aux écosystèmes de la Tech Africaine. Interview exclusive à deux voix.
AFRIK.COM : Qu’est ce qu’Afrobytes ?
Mohamed Haweya: C’est la rencontre des innovateurs technologiques et économique de l’Afrique et du reste du monde, totalement tourne?e vers l’ope?rationnel, entre les acteurs Tech des marche?s les plus dynamiques (Nigeria, Afrique du Sud, Rwanda, Kenya, Cote d’Ivoire..) et les acteurs de la Tech mondiale a? la recherche de nouveaux relais de croissance. La conférence s’effectuera autour d’ateliers, de rencontres B2B et de sessions de networking. Les investisseurs e?changeront sur les startups à fort potentiel qui sauront efficacement tirer profit d’un marche? de deux milliards d’habitants en 2050.
AFRIK.COM : Ce sont donc les 8 et 9 juin prochains, qu’aura lieu au Medef à Paris, la seconde édition de la conférence Afrobytes. Quels en seront les enjeux et qu’en attendez-vous ?
Ammin Youssouf : De la Silicon Valley, aux acteurs Tech des pays e?mergents asiatiques en passant par les acteurs europe?ens, le monde de la Tech prend aujourd’hui conscience des formidables opportunite?s qu’offre le nouveau consommateur africain connecte?. Afrobytes propose a? tous ces acteurs d’acce?le?rer leur strate?gie en Afrique en proposant une ve?ritable « MarketPlace » sur toute la chaîne de valeur afin de leur permettre de se positionner sur la transformation digitale du continent Africain.
Quel que soit leur secteur, pour les acteurs Africains qui seront présents cela représentera une occasion unique d’être identifié comme leader de son marché et potentiel partenaire de ces entreprises. En Afrique, le train de la transformation digitale est en marche comme partout ailleurs dans le monde. Les entreprises qui ont raté le virage du digital sur les autres marchés se sont rapidement mises en très grande difficulté. Du commerce, au transport en passant par l’agriculture, les acteurs économiques traditionnels africains ont au moins l’avantage de pouvoir ne pas commettre la même erreur.
A l’heure ou? de nombreux pays Africains offrent de?ja? les meilleurs rendements aux investisseurs internationaux, la rencontre des expertises entre acteurs de terrain et le meilleur de la Tech mondiale aura pour ambition d’offrir les meilleures perspectives business aux participants.
AFRIK.COM : A l’échelle mondiale, que représentent les start-ups africaines ?
Mohamed Haweya : Il est difficile d’évaluer le nombre de startups qui émergent chaque jour sur un continent composé de 54 pays. Néanmoins la tendance est à une croissance forte. En à peine 4 ans les choses ont fortement évolué. Par exemple sur la plate-forme VC4Africa, le nombre de startups à la recherche de fonds a augmenté de 640%, leur qualité s’est également considérablement améliorée
AFRIK.COM : Un mot sur l’importance de la Data en Afrique ?
Ammin Youssouf : La nouvelle matière première de l’Afrique est la data, et quand cette dernière se conjugue à une forte démographie, les enjeux deviennent énormes pour les grands groupes internationaux.
Les jeunes africains, futurs consommateurs connectés, deviennent ultra-attractifs pour tous les grands groupes. En 2030, les 15-24 ans seront 321 millions en Afrique et le continent sera par excellence celui des « Millenials ». Au vu de la croissance actuelle du taux de pénétration de l’internet mobile, des projets d’accès à internet pour tous d’acteurs comme Google, Facebook ou bien d’autres encore, la question de la connectivité sera dépassée depuis bien longtemps.
Qu’ils soient « Millenials », urbains ou ruraux, les attentes et les usages des consommateurs Africains seront au cœur des e?changes lors de la conférence. Seront notamment explorés les business models qui proposeront les produits et services innovants les plus adapte?s aux besoins d’une classe moyenne en plein boom.
La Silicon Valley l’a très bien compris et sera fortement présente lors de la conférence. Les équipes qui ont accompagné Mark Zuckerberg lors de sa tournée africaine de 2016 témoigneront des ambitions du géant américain. La branche Africaine du fonds d’investissement Draper (dfj.com) sera également présente. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas ce fonds, il faut juste savoir que c’est le fonds d’investissement le plus réputé de la Silicon Valley et qui compte, entre autres, dans son portfolio des sociétés comme : Twitter, Periscope, SpaceX, Tumblr, Skype, Tesla, … Les grands acteurs de la tech asiatique expliqueront de leur coté comment ils comptent proposer aux Africains une version Tech de la « Route de la Soie ». Bien entendu, les acteurs européens à commencer par la France comptent bien eux aussi trouver leurs futurs partenaires africains lors de ces deux journées.
Le mouvement est donc lancé, s’accélère et sera sans aucun doute massif. La seule question qui compte pour chacun à présent c’est de savoir si on prend le train en marche ou pas.
AFRIK.COM : Comment expliquez vous que les investisseurs africains sont encore timides à l’égard des startup africaines, contrairement aux investisseurs internationaux ?
Mohamed Haweya : Tout d’abord il faut poser le contexte actuel de l’investissement. Selon une étude publiée cette année par The Economist, 63% des investisseurs sondés déclarent qu’en 2016 leurs opérations en Afrique ont le même rendement voire un rendement plus élevé que leurs autres actifs dans le monde. Les marchés Africains sont globalement devenus très attractifs et les investisseurs regardent de plus en plus attentivement les marchés où la Tech intervient dans la chaine de valeur. Dans ce cadre, il faut noter la forte attractivité récente des marchés d’Afrique francophone vis-à-vis des anglo-saxons : Sénégal, Cameroun, Coté d’Ivoire ont la côte auprès des investisseurs qui anticipent de bons rendements sur ces marchés.
D’un coté, il y a des investisseurs internationaux qui n’hésitent pas à investir dans les pays émergents en général et trouvent en Afrique des promesses de rendement exceptionnels. De l’autre coté, l’investissement dans la Tech est un sujet assez nouveau pour les investisseurs Africains qui paradoxalement sont eux-mêmes assez « nouveaux » dans le paysage de l’investissement Africain si l’on compare à des marchés plus mûrs comme l’Europe ou les Etats-Unis. Dans les deux cas, notons que la maitrise du secteur de la Tech reste tout de même assez superficiel.
L’expression « timides à l’égard des startups africaines» ne nous semble pas convenir pour décrire l’approche des investisseurs africains en comparaison avec celle de leurs homologues internationaux. Pour analyser correctement les choses il faut tenir compte de momentums et de dynamiques tout simplement différents.
Les investisseurs Africains soupèsent chacune de leurs décisions et n’ont pas forcément la culture « casino » de la Silicon Valley. Les autres sont plus habitués à prendre des risques sur les marchés des pays émergents, quitte parfois à se fourvoyer totalement dans leurs choix par manque de connaissance du terrain.
Lors de la conférence, plusieurs ateliers dédiés à l’investissement et réunissant des investisseurs aguerris de la Tech africaine seront organisés. On y trouvera les approches d’acteurs locaux, comme ceux de la Silicon Valley et d’Europe. Ce sera une belle occasion de Networking et les participants y trouveront tant les expertises, que les tendances , ou encore les informations sur les secteurs où des « disruptions » de marché sont à anticiper et donc où des bons paris à effectuer pour les années à venir.
AFRIK.COM : Quel message souhaitez vous adresser aux entrepreneurs africains, source d’avenir pour le continent ?
Mohamed Haweya : Il y a eu trop de grandes phrases creuses et d’incantations sur le sujet de l’entrepreneuriat africain, notre message sera donc strictement opérationnel : l’Afrique est en pleine transformation digitale et cela va affecter plus ou moins fortement tous les secteurs – sans exception. L’objet d’une conférence telle qu’Afrobytes est de réunir ceux qui veulent compter dans l’Afrique de demain et ne pas rester au bord du chemin résolument Tech, que le continent est en train de se construire.