La 28ème édition du Salon international du livre de Paris a ouvert ses portes au public ce vendredi 14 mars. La rédaction d’Afrik a décidé pour l’occasion, de vous faire découvrir Afro-Bulles, une association spécialisée dans l’édition de bande dessinée africaine. Créée en 2002 par Alix Fuilu, illustrateur et dessinateur de BD originaire du Congo-Kinshasa, elle s’est donnée comme objectif de promouvoir cet art encore très peu connu du grand public sur le continent. L’association présente au Salon son cinquième album, intitulé Vies Volées qui dénonce les violences faites aux femmes africaines sur le continent.
La bande dessinée africaine jusque-là inconnue à cause du manque de moyens économiques est en train d’émerger aussi bien en Afrique qu’en Occident, notamment grâce à des associations comme Afro-Bulles. Désireux de faire connaître la production africaine en matière de bande dessinée, Alix Fuilu, illustrateur et dessinateur de BD a fondé en 2002 cette association en compagnies d’autres collègues. D’origine congolaise, l’homme qui a étudié les Beaux-Arts à Kinshasa avant de venir se perfectionner à l’Ecole des Beaux-Arts de Tourcoing dans le Nord de la France et à celle de Saint Gilles à Bruxelles en Belgique, constate lorsqu’il décide de se spécialiser dans ce domaine, que tout est à faire. Depuis, il a publié avec Afro-Bulles cinq albums dont les deux derniers Vies volées et Corne et Ivoire présentés au Salon du livre de Paris cette semaine. Dans Vies volées, écrit avec deux autres auteurs, Didier Kassaï, un Centrafricain, et Alain Kojelé, du Congo (RDC) comme lui, il est question à travers des sujets graves comme le viol, la prostitution, le sida, et bien d’autres encore, de sensibiliser le lecteur aux atrocités que subissent de nombreuses femmes, mères et enfants sur le continent africain.
Afrik : Pouvez-vous présenter Afro bulles à nos lecteurs ?
Alix Fuilu : J’ai crée l’association Afro-Bulles dans le but de promouvoir la bande dessinée africaine. Je l’ai faite avec des amis en 2000 mais on a officiellement commencé en 2002 avec une exposition organisée dans le Nord de la France et par la sortie de notre première publication.
Afrik : Comment fonctionne l’association ?
Alix Fuilu : Afro-Bulles est avant tout un collectif de plusieurs auteurs. Au départ, je publiais plusieurs petites histoires de différents auteurs dans la même BD. Je ne voulais pas leur demander de faire des albums complets parce qu’ils n’avaient pas le temps à ce moment-là, ils avaient d’autres occupations. Je leur demandais donc de travailler sur de petites histoires. C’est maintenant que nous commençons à travailler sur des albums avec des histoires individuelles qui vont sortir peu à peu.
Afrik : Peut-on affirmer que les dessinateurs de BD africaine ici ou là-bas, vivent de leur métier ?
Alix Fuilu : Pas vraiment. Il est très difficile pour un dessinateur africain, vivant en Afrique notamment, de vivre de son art car la BD est encore assez méconnue sur le continent. Pour l’instant, elle tente de se faire connaître, elle fait son bonhomme de chemin petit à petit. Financièrement, ce n’est donc pas évident pour les auteurs. Mais les choses vont bientôt changer, du moins nous l’espérons car quelques grandes maisons d’édition commencent déjà à s’intéresser à eux. Il y a ainsi certains auteurs d’Afro-Bulles qui commencent à être publiés dans des maisons comme Albin Michel ; ce qui veut dire que l’association a presque atteint son objectif.
Afrik : Pourquoi s’être lancé dans une telle voie qui semble quelque peu marginalisée ?
Alix Fuilu : Je ne sais pas si c’est un art marginalisé. Au contraire, selon les statistiques depuis ces dernières années, la bande dessinée est en train de monter en flèche, elle a le vent en poupe.
Afrik : Mais qu’en est-il de la BD africaine ? Vit-elle le même phénomène ?
Alix Fuilu : Il est vrai que c’est différent avec la BD africaine. Nous essayons avec Afro bulles, pratiquement la seule association à en faire la promotion, notamment dans toutes les manifestations que nous faisons, telles que des expositions ou le Salon du livre comme aujourd’hui. Actuellement, nous sommes d’ailleurs en train d’organiser un festival sur ce thème, nous tentons de faire ce que nous pouvons. Depuis 2002, lorsque nous avons créé donc notre association, la BD africaine a acquis une certaine notoriété, surtout dans le milieu. Nous pouvons donc dire que nous commençons à gagner notre pari, ce qui n’était pas évident au départ.
Afrik : Comment expliquez-vous justement cette difficulté à s’imposer face aux autres ?
Alix Fuilu : Premièrement, il existe très peu de maisons d’édition spécialisées dans la BD africaine. C’est encore plus vrai en Afrique qu’ici. De nombreux dessinateurs ont chez eux beaucoup d’albums, des planches déjà terminées, mais ils n’ont personne à qui les proposer pour les éditer, d’où la difficulté d’en faire réellement son métier. Mais même lorsqu’on trouve une maison d’édition, ce n’est pas tout de suite que l’on peut vivre de son art. Généralement, c’est à partir du troisième album, voire plus, qu’on peut espérer en vivre. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Afro-Bulles fait également office de maison d’édition pour tenter justement de pallier à cette situation, même si pour l’instant, son siège se trouve en Europe. Il y a des démarches en cours pour changer cela. Nous avons pour projet d’installer dans certains pays africains des succursales de l’association, des structures d’édition qui vont pouvoir éditer des BD sur place, afin de permettre aux dessinateurs africains résidant sur le continent de voir leurs œuvres publiées et diffusées là-bas.
Afrik : Vous avez beaucoup de dessinateurs dans ce cas ?
Alix Fuilu : Il y a effectivement beaucoup plus d’auteurs d’Afro-Bulles qui sont sur le continent, deux tiers d’entre eux pour être précis. Mais grâce à Internet et à la poste, nous pouvons collaborer malgré la distance. Quelques fois, les centres culturels français jouent également l’intermédiaire entre nous.
Afrik : Aujourd’hui, vous revenez avec Vies volées, qui est la cinquième BD que vous éditez avec Afro bulles. Pouvez-vous nous en parlez ?
Alix Fuilu : En réalité, nous avons sorti deux BD simultanément, Vies volées donc et Corne et Ivoire. Dans le premier, nous évoquons un sujet qui nous tient très à cœur, à savoir les souffrances auxquelles doivent faire face de nombreuses femmes et les jeunes filles africaines, toutes les atrocités dont elles sont victimes sur le continent, notamment les viols en temps de guerre. En réfléchissant à tout cela, on a l’impression que les choses ne bougent pas, que personne ne se préoccupe de leur sort. A un moment donné, on s’est dit stop, il faut faire quelque chose. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de monter ce projet avec mes collègues pour dénoncer toutes ces violences faites aux femmes africaines. En tant qu’Africain, de par notre culture, on doit beaucoup de respect à la Femme africaine et en voyant comment cette dernière est maltraitée dans beaucoup de pays africains, nous nous sommes dit que c’était de notre devoir que d’interpeller l’opinion publique aussi bien ici que là-bas pour que tout cela cesse. Cette BD raconte donc tout simplement la réalité de certaines situations insupportables que vivent certaines femmes en Afrique. Nous parlons ainsi des viols, de la prostitution, du sida, etc…Nous tentons à notre niveau d’éduquer les gens sur ces thèmes, après c’est aux hommes politiques, aux institutions internationales que revient la responsabilité de faire cesser tout cela.
Afrik : Et c’est souvent que vous parlez de sujets aussi graves dans vos BD ?
Alix Fuilu : Non, pas forcément. dans les autres BD sorties avant, nous évoquions la vie de tous les jours. L’idée justement dans ces dernières étaient à la base de montrer un autre visage de l’Afrique, plus positif, que les Européens connaissent très peu car non médiatisé ; montrer qu’il y a également une autre vie en Afrique que celle véhiculée par les médias occidentaux faite de violences, de pauvreté généralisée, de guerres…
Contact : Afro bulles, 56 rue Raspail,
59200 Tourcoing
e-mail : afrobuledition@yahoo.fr