Aux États-Unis, le déséquilibre entre les budgets alloués à la défense, à la diplomatie et au développement compromet la capacité du pays à stabiliser les États africains vulnérables et sujets aux conflits, conclut dans un rapport Refugees international, une organisation non gouvernementale (ONG) basée aux États-Unis.
« Il est évident qu’actuellement, les politiques [américaines] sont à côté de la plaque », a estimé Ken Bacon, président de Refugees international. « Cela affecte notre capacité à agir en Afrique de façon efficace et cohérente et à mener un combat à long terme contre le terrorisme de façon tout aussi efficace et cohérente. »
D’après le rapport, le gouvernement américain a non seulement apporté une aide internationale versatile, mais a également laissé quelques faiblesses chroniques ébranler la capacité des civils à élaborer et appliquer des politiques à long terme efficaces pour reconstruire les Etats en déliquescence ou tout juste sortis de conflits, alors que l’armée joue un rôle de plus en plus actif dans la promotion du développement et de la démocratie, et bénéficie pour cela de solides financements.
« [L’aide étrangère] est de plus en plus encadrée par les institutions militaires, qui fondent leurs politiques sur la guerre mondiale contre le terrorisme, et non pas la guerre contre la pauvreté », mentionne le rapport.
L’aide étrangère représente moins de un pour cent du budget fédéral, contre 20 pour cent pour la défense, est-il ajouté. Les forces armées américaines comptent plus de 1,5 million d’employés actifs en uniforme et plus de 10 100 civils, alors que le département d’État ne dispose que de 6 500 employés permanents.
Davantage de complémentarité
Le rapport, qui cite le Liberia et la République démocratique du Congo pour illustrer l’inefficacité et la mauvaise coordination de l’aide étrangère, suggère que l’AFRICOM (commandement régional américain pour l’Afrique), nouvellement constitué, joue un rôle majeur dans le rétablissement de l’équilibre, en se limitant exclusivement aux responsabilités militaires et politiques, et à l’apport d’une expertise civile et militaire aux États africains.
L’aide humanitaire américaine et les branches diplomatiques devront être soutenues afin de devenir complémentaires, au lieu d’être écrasées par le corps militaire.
« Actuellement, les projets menés en Afrique ne se rejoignent pas », a affirmé Mark Malan, à l’origine du rapport. « L’AFRICOM doit s’en tenir à son mandat et se concentrer sur les responsabilités qui sont les siennes, et qu’il assume d’ailleurs parfaitement bien. »
« L’armée ne doit pas chercher à supplanter l’USAID [une organisation américaine qui œuvre pour le développement international] ou le département d’État ; ces responsabilités doivent être laissées aux personnes qualifiées. Des ressources supplémentaires devront toutefois être allouées », a dit M. Bacon.
Le rapport condamne la répartition déséquilibrée du personnel au sein de l’AFRICOM ; il constate en effet que sur 1 300 postes professionnels, seuls 13 sont ouverts aux personnes extérieures au ministère de la Défense.
Pas de rôle humanitaire pour l’AFRICOM
Selon M. Malan, il semblerait toutefois que l’AFRICOM ait fait machine arrière par rapport à une précédente déclaration, qui avait suscité la polémique, et selon laquelle l’AFRICOM s’engagerait dans l’aide humanitaire et les projets de développement.
« Certains propos ambigus ont été précédemment tenus », a-t-il ajouté. « Le nouveau mandat est axé sur la sécurité ; son énoncé ne mentionne nullement l’aide humanitaire ou l’aide au développement. »
« Le général Ward [commandant en chef de l’AFRICOM] a passé beaucoup de temps au sein d’organisations d’aide humanitaire et de la communauté humanitaire. Je pense qu’il a écouté et agi en conséquence, et l’AFRICOM a limité son champ d’action, qui se rapproche désormais du commandement intégral », a indiqué M. Bacon.
Mary Yates, ambassadrice et commandant adjoint de l’AFRICOM pour les activités civiles et militaires, a expliqué à IRIN au mois de mars que l’AFRICOM respecterait les projets actuellement menés sur le terrain.
« Nous soutiendrons résolument les initiatives humanitaires et de développement déjà [en cours] sur le continent » a-t-elle fait remarquer, soulignant néanmoins que la plupart des projets de développement étaient menés par l’intermédiaire de l’USAID et d’ONG partenaires. « Nous continuerons simplement à appuyer les actions que ces organisations sont en train de mener » a-t-elle dit.