La pêche, ressource économique primordiale sur le continent africain, a connu des jours meilleurs. Dégradation de l’environnement marin, pêche industrielle en masse, pillage des eaux, baisse des ressources halieutiques, une combinaison fatale dans une sphère déjà fragile. Malgré des mesures drastiques prises par la FAO (Food and agriculture organization) et diverses ONG et associations locales, l’incertitude subsiste quant à l’avenir de cette profession sans âge.
Les pêcheurs africains font grise mine. Leur secteur bat de l’aile. Malheureusement nombreuses, les raisons d’un tel déclin demandent des dispositions considérables de la part de tous les professionnels de la pêche, au niveau national comme international.
Cause notoire qui a souvent défrayé la chronique, la pêche illicite, non déclarée et non règlementée (INN). Des navires étrangers, mais aussi nationaux, pratiquent leur activité dans des eaux placées sous la juridiction d’un Etat, sans l’autorisation de celui-ci. Non-déclarés auprès des autorités nationales compétentes, ces navires pillent inlassablement les fonds. C’est le cas de centaines de chalutiers asiatiques ou européens qui, chaque jour, pénètrent dans les eaux africaines pour pêcher sans permis la crevette, la sardine, le thon et le maquereau. Et lorsqu’il n’est pas directement pillé en mer, le poisson est souvent vendu à l’exportation. Ainsi, quand Afrique espoir, revue catholique africaine, a demandé à une vendeuse de poisson sénégalaise « Pourquoi tu n’as plus de poisson de qualité, comme autrefois? », elle a tout simplement répondu: « Le bon poisson est pris au port pour être envoyé ailleurs ».
Action… réaction !
L’Union Européenne est l’un des plus grands importateurs de produits de la mer. En effet, elle importe, chaque année, 3499 millions de dollars de poisson venus d’Afrique et près de 60% du poisson qu’elle consomme est issu de l’importation. Afin de subvenir à tous ses besoins, elle a signé des accords de pêche avec presque tous les pays côtiers d’Afrique, permettant à près de 300 navires européens de sillonner les eaux africaines. Ainsi, selon Afrique espoir, entre 1993 et 1997, une moyenne de 240 000 tonnes par an (surtout du thon et des crevettes) ont quitté les côtes africaines (principalement le Maroc, la Mauritanie, la Guinée Bissau, le Sénégal et l’Angola) pour rejoindre le marché européen. « En France, on consomme 36 kg de poisson par an et par personne alors que la part équitable, calculée en fonction des ressources disponibles dans le monde, devrait être de 16 kg », explique Charles Braine, chargé du programme pêche durable du WWF-France, démontrant ainsi la surexploitation européenne.
Une surexploitation du milieu marin qui entraîne des difficultés dans la gestion des ressources halieutiques. « Un bien commun en accès libre est voué à la dégradation par le jeu de la compétition entre exploitants, qui cherchent à maximiser leur intérêt individuel », expliquait Garrett Hardin, écologue de renom aujourd’hui décédé. Différentes institutions comme WWF ou Greenpeace sonnent l’alarme quant à la dangereuse diminution des ressources marines. « L’origine de tous les problèmes actuels, c’est une incompréhension de ce qu’est la mer. Nous sommes habitués à y puiser sans limite les poissons et les fruits de mer que nous aimons manger », constate Greenpeace.
Des repos biologiques sont prônés, des interdictions de pêche sont décrétées. Souvent sans succès. « WWF a même organisé une campagne de sensibilisation au Sénégal concernant la taille des poissons. Nous expliquons aux Sénégalais qu’ils doivent élargir les mailles de leurs filets pour pratiquer une pêche sélective », relate Charles Braine.
Pour une gestion durable
En mai dernier, le repos biologique a été imposé en Mauritanie. Près de 300 bateaux industriels sont boqués au port. Une mesure nécessaire selon le ministère de la pêche : « il s’agit de permettre la création d’un milieu propice à la régénération des ressources halieutiques, leur gestion durable et la préservation du milieu naturel », a-t-il déclaré en mai dernier. Cette prohibition touche également les pêcheurs artisanaux, mais pour seulement 1 mois à compter du 15 mai. Selon Brahim Ould Boucheiba, expert mauritanien de la pêche, « l’option du repos biologique est nécessaire au moment où nos eaux sont surexploitées et fortement pillées par les pirates contre lesquels la marine mauritanienne fait pourtant de gros efforts ».
Ces interdictions enjointes aux pays côtiers africains ne sont pas sans conséquences. Les pêcheries « apportent une contribution vitale à la sécurité alimentaire et nutritionnelle de plus de 200 millions d’Africains et fournissent des revenus à plus de 10 millions de pêcheurs essentiellement artisanaux… et d’entrepreneurs », explique le WWF. Un gros manque à gagner qui encourage inévitablement les actes de piraterie. Pêcheurs sénégalais et pêcheurs mauritaniens n’hésitent pas à se servir dans les eaux de leurs voisins en temps de crise. Le travail de sensibilisation est encore long.