Une étude de la Banque mondiale met en relief les coûts méconnus liés à l’absence ou à la défaillance des infrastructures d’assainissement dans dix-huit pays africains. Ces coûts représentent entre 1 et 2,5 % du PIB selon les pays.
L’absence d’infrastructures d’assainissement coûte près de 5,5 milliards de dollars par an à dix-huit pays africains, selon un rapport publié par le programme Eau et assainissement de la Banque mondiale. « Les 18 pays africains considérés dans cette étude ont une population totale de 554 millions d’habitants, soit plus de la moitié de la population africaine », a indiqué Jaehyang So, responsable du programme Eau et assainissement. « Ce constat rappelle aux ministres que leurs pays ne pourront pas se développer durablement sans se pencher sur ces coûts. »
Les impacts économiques liés à l’absence ou à la défaillance de système d’assainissement sont lourds : la majorité de ces coûts est liée aux morts prématurées causées par les maladies diarrhéiques, y compris d’enfants âgés de moins de cinq ans. Près de 90 % de ces morts sont directement imputables à la mauvaise qualité de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène. Les autres coûts évalués comprennent les pertes de productivité dues à un mauvais assainissement et les pertes de temps liées à la défécation en plein air.
Le coût de la défécation en plein air : deux milliards de dollars
La défécation en plein air représente à elle seule près de deux milliards de dollars de pertes annuelles dans ces dix-huit pays et concerne plus de cent quatorze millions de personnes. Pour remédier complètement à ce problème, il faudrait construire (et utiliser) vingt-trois millions de toilettes.
La défécation en plein air coûte plus par personne que tout autre problème d’assainissement. Rien que le temps perdu pour trouver un endroit discret pour faire ses besoins entraîne près de cinq cents millions de dollars de pertes économiques. « Les femmes représentent une proportion considérable de ce coût en raison du temps qu’elles passent à accompagner de jeunes enfants ou des proches malades ou âgés », souligne la Banque mondiale.
« Les incidences négatives d’un mauvais assainissement susceptibles d’être importantes, mais difficiles et chères à estimer, comprennent les coûts des poussées épidémiques, les pertes de revenus dans le commerce et le tourisme, l’impact sur les ressources en eau de l’évacuation des excréments, et les effets à long terme sur le développement de la petite enfance », commente la Banque mondiale.
Les études nationales montrent que le Bénin perd cinquante-deux milliards de francs CFA chaque année (soit cent quatre millions de dollars) à cause des mauvaises conditions sanitaires, une somme équivalent à douze dollars par personne et par an, ou 1,5 % du PIB national. Au Bénin, la défécation en plein air coûte plus de soixante-quinze millions de dollars par an. Pourtant, l’élimination de cette pratique nécessiterait la construction et l’usage de moins d’un million de latrines. Les pires situations sont peut-être celle du Nigeria où le manque d’équipements sanitaires coûte trois milliards de dollars par an, ce qui représente vingt dollars par personne et 1,3 % du PIB, et celle du Congo Brazzaville, qui en termes de coût par habitant atteint 35,8 dollars. Le Rwanda fait partie des pays les mieux lotis, avec un coût de 0,9 % du PIB, cela s’explique par le fait que seulement 3 % de la population a recours à la défécation en plein air et plus de la moitié à des installations sanitaires améliorées.
Les pauvres payent plus cher
L’étude montre que les coûts d’un mauvais assainissement sont inéquitablement distribués, le fardeau économique le plus lourd pesant disproportionnellement sur les plus pauvres. « Ce constat plaide immanquablement en faveur de l’augmentation de l’investissement dans l’assainissement et de la suppression des obstacles à l’amélioration des services d’assainissement. Le moment est venu de s’attaquer sans tarder et une fois pour toutes à cette priorité de développement », précise Jamal Saghir, directeur du département développement durable dans la région africaine de la Banque mondiale.
Les investissements dans l’assainissement représentent moins de 0,1 % du PIB de la majorité des pays. Seuls cinq des dix-huit pays africains considérés investissent entre 0,1 et 0,5 % de leur PIB dans l’assainissement. Bien que les pays africains se soient engagés à augmenter leurs crédits budgétaires destinés à l’assainissement pour atteindre au moins 0,5 % de leur PIB (Déclaration d’eThekwini, 2008), aucun des dix-huit pays étudiés n’a à ce jour atteint cet objectif.
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Un article de notre partenaire Marchés Tropicaux et Méditerranéens :