Une grave épidémie de méningite pourrait toucher l’Afrique dans les trois prochaines années et faire des dizaines de milliers de morts, alors que les stocks du vaccin permettant d’endiguer la maladie sont au plus bas.
Selon les experts, le nombre croissant de cas de méningite enregistrés cette année est un signe inquiétant. Rien qu’au Burkina Faso et au Soudan, 1 013 personnes sur les 14 279 infectées sont décédées, ont révélé l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les autorités burkinabè.
L’Ouganda et la République démocratique du Congo (RDC) ne sont pas épargnés par l’épidémie de méningite cette année. D’autres pays comme la Côte d’Ivoire, le Niger, le Mali, le Bénin, le Ghana, le Togo et la Guinée sont également touchés par la maladie.
« Tous ces signes laissent penser que le plus dur est à venir », a déclaré William Perea, responsable du programme méningite de l’OMS, à Genève. « On ne sait pas pour le moment si cette épidémie sera de l’ampleur de celle de 1997. Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire face à une crise éventuelle ».
Entre 1995 et 1997, l’épidémie de méningite a fait 25 000 morts sur les quelque 250 000 cas déclarés dans la ceinture de la méningite de l’Afrique qui s’étend du Sénégal, à l’ouest, à l’Ethiopie, à l’est.
Chaque année pendant la saison sèche, de décembre à juin, les pays sahéliens semi-arides sont frappés par une épidémie de méningite déclenchée par les vents de sable et les nuits fraîches, qui rendent les personnes plus vulnérables aux infections respiratoires. La bactérie de la méningite se transmet par les éternuements et la toux.
La méningite est une infection de la fine membrane enveloppant le cerveau et de la moelle épinière. En général, cinq à 10 pour cent des patients atteints de la maladie succombent dans les 24 à 48 heures suivant l’apparition des premiers symptômes et 10 à 20 pour cent de ceux qui s’en sortent présentent de graves séquelles neurologiques, une perte de l’ouïe et des troubles de l’apprentissage.
L’approvisionnement, la pierre d’achoppement
Suite à la vague d’épidémie qui a touché le continent africain de 1995 à 1997, l’OMS a contribué à la création du Groupe international de coordination pour l’approvisionnement en vaccin antiméningococcique (ICG) afin de favoriser l’accès rapide et équitable à des vaccins et des médicaments bon marché.
L’ICG disposait d’un stock d’environ sept millions de vaccins pour lutter contre l’épidémie de méningite qui frappe l’Afrique cette année. Quatre millions de doses supplémentaires seront livrées prochainement. Sanofi Pasteur France est le seul laboratoire pharmaceutique à poursuivre la production du vaccin bivalent AC polysaccharide dont l’usage est le plus répandu en Afrique.
Le stock disponible actuellement est insuffisant pour juguler l’épidémie cette année, mais cela pourrait changer si les pays africains décidaient de constituer leurs propres stocks.
« Il n’y aura pas de vaccins pour faire face à l’urgence à laquelle le Burkina Faso et le Soudan sont confrontés actuellement », a indiqué M. Perea.
Si une épidémie majeure se déclarait dans les prochaines années, il manquerait près de 52 millions de doses de vaccin si l’on envisageait l’hypothèse la plus pessimiste, selon le relevé épidémiologique hebdomadaire de l’OMS publié le 9 mars.
« Une vague d’épidémie aurait des conséquences énormes sur le taux de morbidité et de mortalité des pays et viendrait s’ajouter aux grosses difficultés que rencontrent déjà leurs services sanitaires », a souligné le rapport.
Une baisse de la production des vaccins
Sanofi Pasteur produit généralement 20 à 25 millions de vaccins AC polysaccharides. Une partie de la production est réservée à l’ICG, le reste de la production étant vendue sur le marché international à des prix standard. Toutefois, le stock de la compagnie a été épuisé en 2006 et 2007 en raison d’une interruption momentanée de la production.
D’autres laboratoires pharmaceutiques, qui produisaient le vaccin polysaccharide, se sont lancés dans la production de nouveaux vaccins conjugués plus chers, mais aux effets plus durables.
« Les laboratoires sont plus intéressés par la production de vaccins conjugués, destinés aux pays développés, que par la production de vaccins polysaccharides réservés aux pays en voie de développement. C’est pour cette raison qu’il n’y a qu’un seul laboratoire qui fabrique des polysaccharides », a déploré M. Perea.
Actuellement, une dose de vaccin conjugué est vendue à 40 dollars à Ouagadougou, la capitale burkinabè, une somme supérieure au salaire mensuelle de beaucoup d’habitants de ce pays. En revanche, une dose de vaccin polysaccharide se vend en pharmacie à 14 dollars, alors que le gouvernement les achète à 50 cents la dose et les offre gratuitement en cas d’épidémie.
Bien que le laboratoire Sanofi Pasteur produise actuellement de moins en moins de vaccins polysaccharides, le directeur général du laboratoire, Jacques Berger, a souligné l’engagement de sa société vis-à-vis de l’Afrique.
« Nous sommes présents en Afrique depuis 1974. Je peux vous assurer que nous envisageons de maintenir notre présence sur le continent tant que cela sera nécessaire », a-t-il précisé. « Nous n’avons pas l’intention de réduire notre production ni n’envisageons d’arrêter la production de ce vaccin », a-t-il conclu.
D’autres solutions en vue
Pour augmenter la production des vaccins contre la méningite dans les années à venir, l’ICG recherche de nouveaux laboratoires. Des contacts ont été pris avec les autorités sanitaires en Chine, à Cuba et au Brésil où des laboratoires pharmaceutiques produisent déjà des vaccins AC polysaccharides qui ne sont pas exportés.
Selon M. Perea, l’ICG espère convaincre ces laboratoires de fabriquer un vaccin qui pourrait être commercialisé sur le marché international d’ici la fin de l’année.
En outre, la mise au point d’un nouveau vaccin est à l’étude.
« Pour l’instant, les résultats sont satisfaisants et je pense que si les choses se passent bien, d’ici 2009 ou 2010, un nouveau vaccin sera mis sur le marché et sera vendu 40 cents la dose », a révélé M. Perea.
Selon les chercheurs, le nouveau vaccin sera utilisé à titre préventif plutôt qu’à des fins curatives comme c’est le cas actuellement. Il devrait également permettre d’immuniser un plus grand nombre de personnes pendant une plus longue période. La durée d’immunisation du vaccin, chez une personne âgée de plus deux ans, est d’environ trois ans.
Si les lots de vaccins disponibles s’avèrent insuffisants, les autorités sanitaires envisagent d’administrer de plus petites quantités en divisant par cinq la dose du vaccin tétravalent polysaccharide A, C, Y et W135, afin d’immuniser un plus grand nombre de personnes.
« Nous envisageons cette possibilité. En cas de crise, nous pourrions être amenés à choisir cette [option] en dernier recours, si tout se passait mal et que nous n’avions pas assez de vaccins », a dit M. Perea. « Ce serait vraiment le dernier recours ».
Entre temps, l’OMS a lancé un appel aux ministres de la Santé des pays à risque, à ses partenaires techniques et opérationnels, ainsi qu’aux laboratoires pharmaceutiques et à la communauté internationale pour qu’ils prennent des mesures urgentes et appropriées pour endiguer la vague d’épidémie de méningite qui pourrait se prolonger pendant des années.
Photo: Brahima Ouedraogo/IRIN