Depuis plusieurs années, les membres du Comité de crise de l’électricité de Soweto (SECC), en Afrique du Sud, reconnectent illégalement des compteurs pour donner du courant aux plus pauvres. Cette action déplait fortement à l’Eskom, la compagnie publique d’électricité, qui a enregistré cette année plus de la moitié de ses pertes annuelles pour non-paiement des factures dans ce secteur.
Ce sont les Robin des bois du célèbre township sud-africain, Soweto. Leur mission : garantir un accès à l’électricité aux plus pauvres. « On rend à la communauté ce dont elle a besoin. Le gouvernement a promis de l’électricité, des services de base gratuits pour tous. Nous appliquons la politique qu’ils ont échoué à mettre en place pour les communautés », explique à l’AFP Bobo Majhoba, dirigeant du Comité de crise électrique de Soweto (SECC). Leur procédé est simple : les militants de cette association piratent le système de distribution d’Eskom, la compagnie d’électricité sud-africaine. Un acte qui n’est pas du goût de la société. « Etre sans emploi et avoir des difficultés ne vous donnent pas le droit de faire des choses illégales », s’insurge Bandile Jack, un chargé de clientèle présent dans ce secteur. C’est à Soweto que la compagnie enregistre plus de la moitié de ses pertes annuelles pour non paiement des factures en zone résidentielle. En effet, seulement 20% des foyers de Soweto payent leur facture. Et le SECC en est en partie responsable.
David contre Goliath
Face aux tarifs exorbitants pratiqués par Eskom qui a fortement augmenté ses prix ces dernières années (+27,5 % en 2008, +31,3 % en 2009), l’association n’a qu’un seul mot à la bouche : lutter. Et ce, coûte que coûte. « Nous n’avons pas beaucoup d’argent et de moyens pour nous battre contre Eskom, si ce n’est physiquement et émotionnellement. On met plus d’équipes sur le terrain pour reconnecter les gens, c’est comme cela qu’ils (Eskom) auront la pression », explique Bobo Majhoba. Depuis leur création en 2000, le SECC se livre à des actions de guérilla en faveur des habitants pour que l’électricité soit gratuite pour tous.
Depuis la fin de l’Apartheid, la première puissance économique du continent est confrontée à des manifestations, souvent violentes, de la population qui demande de meilleurs services publics. Et pour cause, dans ce pays, environ 43% des Sud-Africains vivent avec moins de deux dollars par jour et près de 40% des actifs sont au chômage. « Il ne se passe pas un jour sans qu’on reçoive une dizaine d’appels de gens à qui l’on a coupé l’électricité », indique au quotidien sud-africain, Mail and Guardian, le porte-parole du SECC, Thabo Molefe.
La misère du township
Isaac Lebodi par exemple connait bien la situation. Les agents d’Eskom débarquent régulièrement chez lui pour couper le courant. « Maintenant je leur dois environ 6000 rands (540 euros) d’arriérés, mais je leur verse environ 300 rands chaque mois», explique-t-il à l’AFP. « Je ne peux pas tout leur rembourser parce-que je ne travaille pas, je n’ai pas d’argent ».
Hasard ou coïncidence ? Le bureau du Comité est situé juste en face de l’agence Eskom de la rue Chris Hani, à Johannesburg. Malgré cette proximité, le courant entre la compagnie et le SECC ne semble pas passer.