Afrique du Sud : les familles des victimes de l’apartheid poursuivent l’État en justice


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Tribunal
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En Afrique du Sud, des familles de victimes de l’apartheid se tournent à nouveau vers la justice. Elles accusant le gouvernement actuel de ne pas avoir suffisamment enquêté sur les crimes commis pendant l’apartheid. Ces familles réclament des réponses, un manque qu’elles attribuent à l’ANC, le parti au pouvoir depuis la fin du régime de l’apartheid en 1994.

Alors que la Commission vérité et réconciliation, mise en place pour faire la lumière sur les atrocités de l’apartheid, a joué un rôle important dans le processus de guérison, les résultats concrets en matière de justice restent décevants. Lors d’une conférence de presse à Johannesburg, le 23 janvier, ces familles ont détaillé leur démarche pour obtenir justice, après plus de trois décennies d’attente.

La Commission vérité et réconciliation, dirigée par Desmond Tutu, a permis à des milliers de victimes et de bourreaux de témoigner, mais elle n’a pas permis de juger les responsables des atrocités. L’idée était de favoriser la réconciliation nationale en échange de l’aveu des crimes commis pendant la période de l’apartheid. Cependant, après la fin de cette commission en 1998, les espoirs de poursuites judiciaires se sont rapidement dissipés. Yasmin Sooka, ancienne membre de la commission, a exprimé son désaveu de la manière dont l’État a géré cette transition.

Barbarie qui symbolise la cruauté de l’apartheid

« Pendant trois ans, la Commission a recueilli des témoignages, mais l’État devait ensuite prendre le relais, mener des enquêtes et engager des poursuites. Cela ne s’est pas produit », a-t-elle déclaré. Pour les familles des victimes, la justice n’a pas été rendue. Le combat pour la reconnaissance des souffrances continues alors que des années se sont écoulées depuis la fin du régime de l’apartheid. Lukhanyo Calata, fils de Fort Calata, un militant anti-apartheid tué en 1985 à 28 ans, est l’un des porte-paroles de ces familles en quête de vérité. Son père a été brutalement assassiné, son corps brûlé et sa langue arrachée, un acte barbare symbolisant la cruauté de l’apartheid.

« L’ANC est arrivé au pouvoir dans une nouvelle démocratie, mais mon père a été trahi. Qu’est-ce qui est pire ? Le gouvernement de l’apartheid qui a tué mon père ou l’ANC qui a refusé de lui rendre justice ? », s’interroge Lukhanyo Calata. Cette question poignante résume la frustration de nombreuses familles qui ne comprennent pas pourquoi, après la fin de l’apartheid, les responsables de ces crimes n’ont pas été traduits en justice. « Nous attendons toujours des réponses. Nous nous battons pour la justice », affirme-t-il. Non sans exprimer le sentiment de trahison qui s’est installé chez de nombreux Sud-Africains confrontés à l’impunité persistante.

Mise en œuvre d’initiatives pour unir le pays

Les familles de victimes n’ont d’autre choix que de saisir à nouveau la justice. Selon l’avocate Odette Geldenhuys, qui représente ces familles, la situation actuelle est difficile. « La plupart des responsables sont morts, mais le dernier recours pour ces familles est de se tourner vers les tribunaux pour obliger le Président sud-africain à identifier ceux qui ont fait obstruction à la justice et comprendre pourquoi ils ont agi ainsi », explique-t-elle. L’objectif est de faire ressortir la responsabilité des responsables politiques qui ont empêché les enquêtes et les poursuites, et de se pencher sur les solutions possibles pour réparer cette injustice.

Aujourd’hui, les familles demandent des comptes à l’État sud-africain, mais leur déception est palpable. Trente ans après la fin de l’apartheid, ces citoyens n’ont toujours pas obtenu la vérité qu’ils recherchent. Cette situation évoque inévitablement le combat de Nelson Mandela, figure emblématique de la lutte contre l’apartheid, qui a consacré sa vie à la réconciliation et à la justice pour les peuples opprimés. Après 27 ans d’emprisonnement, Mandela a mis en œuvre des initiatives pour unir le pays, notamment à travers la Commission vérité et réconciliation.

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Très attaché à l’Afrique Centrale que je suis avec une grande attention. L’Afrique Australe ne me laisse pas indifférent et j’y fais d’ailleurs quelques incursions
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