Les autorités sud-africaines sont aux prises avec une tuberculose Ultra-Résistante identifiée dans le KwaZulu-Natal, le Cap Oriental et le Gauteng et a déjà causé la mort d’au moins 52 personnes entre janvier 2005 et mars 2006. Les acteurs de santé craignent une épidémie qui pourrait tuer des milliers de Sud-Africains, surtout parmi les séropositifs.
La tuberculose encore plus fatale. Depuis le mois de mars, dix personnes ont été diagnostiquées à l’hôpital sud-africain de l’Eglise d’Ecosse de la ville de Tugela Ferry avec une tuberculose Ultra-Résistante (UR, ou XDR – extreme drug-resistant tuberculosis – en anglais). Sur les trois patients qui ont survécu et sont admis dans le centre hospitalier, deux sont très atteints et un troisième semble en meilleur état. Toutefois, le médecin chef Tony Moll estime que la tuberculose UR s’est étendue dans la province du KwaZulu-Natal, où elle serait épidémique.
Au moins 52 morts entre janvier 2005 et mars 2006
La présence de la maladie contagieuse a été certifiée au KwaZulu-Natal, au Cap Oriental et dans le Gauteng. Sa forme est plus grave que la tuberculose classique et sa déclinaison Multi-Résistante (MR), car elle ne répond pratiquement à aucun traitement. Entre janvier 2005 et mars 2006, elle avait fait au moins 52 malades, qui ont succombé entre 16 et 25 jours après l’annonce du diagnostique. Il y aurait donc en tout une soixantaine de morts. Un chiffre conséquent si l’on considère qu’« entre 2002 et 2004, on a diagnostiqué la tuberculose UR chez 347 patients dans le monde », indique le Dr Tony Moll.
Face au risque épidémique, le Conseil de recherche médicale a organisé une rencontre, jeudi et vendredi derniers à Johannesburg. Des experts d’Afrique australe, de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies pour s’entretenir des solutions adéquates pour lutter contre la pharmacorésistance de cette tuberculose. Un phénomène qui se produit notamment en raison de la non observance totale du traitement, d’une rupture de stock des médicaments, de leur qualité médiocre ou encore d’une mauvaise prescription.
L’OMS recommande notamment des mesures de prévention, un diagnostic et un traitement rapide afin de réduire les risques de propagation. Surtout dans les zones rurales peu accessibles. Le gouvernement a mis en place, en mars dernier, un Plan de gestion de crise de la tuberculose pour endiguer le mal. Une équipe d’acteurs de la santé fait du porte-à-porte pour détecter les malades et les soigner. Il faut dire qu’il y a urgence. Car la tuberculose est la maladie opportuniste qui cause le plus de décès chez les sidéens du continent.
VIH et tuberculose, un duo fatal
Parmi quelque soixante morts liés à la tuberculose UR, 44 étaient séropositifs. Les porteurs du VIH auraient six fois plus de chances de faire une tuberculose, tant leur organisme est fragilisé. Pire, le virus et le bacille de Koch boostent mutuellement leurs ravages. « La tuberculose pharmacorésistante pourrait avoir de graves répercussions sur la mortalité en Afrique (…). La tuberculose à bacilles ultrarésistants constitue une grave menace pour la santé publique, notamment dans les populations à forte prévalence du VIH et où il y a peu de ressources pour les soins de santé », indique un communiqué de l’OMS daté du 5 septembre.
« L’Afrique australe est l’épicentre du VIH et de la TB (tuberculose, ndlr), a précisé le Dr Karin Weyer, directrice de recherche sur la tuberculose au Conseil de recherche médicale d’Afrique du Sud, en marge de la réunion de Johannesburg. Nous devons agir vite. Si la nouvelle variété de TB devient incontrôlable, cela constituera une grande menace pour la région et au-delà. Le VIH a le potentiel de transformer rapidement la XDR-TB en une épidémie incontrôlable. » Sachant que l’Afrique du Sud est le deuxième pays le plus touché par le VIH au monde derrière l’Inde et qu’environ 14 millions de personnes sont séropositives en Afrique australe, selon la Communauté de développement d’Afrique australe, on peut donc craindre le pire si la propagation n’est pas stoppée.
Coût du traitement multiplié par 60
Au niveau mondial, le risque n’est pas nul. L’Asie du Sud-Est et les pays de l’ex-URSS seraient eux aussi touchés par la tuberculose Ultra-Résistante. Interrogé par le quotidien français Libération, un responsable de l’OMS prévoit qu’à l’échelle mondiale « si rien n’est fait et si l’épidémie de tuberculose est laissée en l’état, dans les vingt prochaines années, c’est presque un milliard de personnes qui seront infectées, 200 millions qui développeront la maladie, et 35 millions qui en mourront ».
L’Afrique du Sud a demandé deux nouveaux médicaments pour faire face à la résistance du bacille, mais d’aucuns annoncent que l’un d’entre eux n’est pas produit en grande quantité et que la demande pourrait être satisfaite dans un lapse de temps assez long. D’autres molécules, destinées à lutter contre la tuberculose UR ne pourraient voir le jour que dans cinq ans.
En cas de la progression de l’épidémie, les autorités de la Nation Arc-en-ciel risquent de dépenser des fortunes pour soigner les malades. Le traitement classique revient à 400 rands (environ 42 euros) par patient, selon le site d’information Buanews, contre 24 000 rands (près de 2 536 euros) si la tuberculose devient Multi-Résistante. Mais, après tout, la santé n’a pas de prix…