Afrique du Sud : la rue crie son ras-le-bol face à la violence sexiste


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Drapeau de l'Afrique du Sud
Drapeau de l'Afrique du Sud

Face à l’inaction du gouvernement, des centaines de Sud-Africains ont défilé à Pretoria pour dénoncer l’explosion des violences sexistes. Déclenchée par le viol présumé d’une fillette de 7 ans, cette mobilisation marque un tournant dans la lutte contre une pandémie silencieuse.

À Pretoria, la colère gronde et les voix s’élèvent. Vendredi dernier, plusieurs centaines de personnes ont manifesté pour exiger des mesures concrètes contre les violences sexistes, ravivant un débat brûlant dans un pays surnommé tristement la « capitale mondiale du viol« . Ce rassemblement, déclenché par la révélation tardive du viol présumé d’une fillette de 7 ans, illustre un ras-le-bol généralisé face à l’inaction gouvernementale. Derrière les slogans, les pancartes et les larmes, c’est toute une nation qui interpelle ses dirigeants : jusqu’à quand laissera-t-on les femmes et les enfants sans protection ?

Une indignation nationale déclenchée par un drame de trop

L’affaire à l’origine de la manifestation remonte à l’année dernière : une fillette de sept ans aurait été violée dans l’enceinte de son école. Ce n’est pourtant que récemment que l’affaire a ému l’opinion, après que sa mère a brisé le silence dans un podcast poignant. Ce retard à la réaction publique et judiciaire a jeté une lumière crue sur l’inaction des autorités. En réponse, la manifestation de Pretoria a rassemblé femmes, hommes et enfants vêtus de noir, réclamant haut et fort la reconnaissance officielle de la violence sexiste comme “catastrophe nationale”.

Chaque jour, 129 viols sont signalés en Afrique du Sud, selon les chiffres de la police. L’ONU estime qu’une femme sur trois y subit des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Ces chiffres ne tiennent même pas compte des innombrables agressions passées sous silence. La majorité des viols ont lieu à domicile, mais les écoles, les lieux de divertissement et les transports publics ne sont pas épargnés. Pour les militantes comme Bulelwa Adonis de « Women for Change », le constat est sans appel : « Nous sommes la capitale du viol de la planète. » Le pays est confronté à une véritable pandémie, qu’il peine toujours à affronter avec la rigueur et l’urgence nécessaires.

Des personnalités en première ligne

La présence de Mia le Roux, Miss Afrique du Sud 2024, a marqué les esprits. Prenant la parole au nom de toutes les femmes blessées, elle a dénoncé le silence complice et la lenteur des autorités : « Nos sœurs méritent mieux. Nos femmes méritent mieux. » L’activiste Themba Masango, de l’organisation Not In My Name, a pour sa part rappelé que le combat contre la violence sexiste ne peut être gagné sans une implication directe des hommes. « Ce sont majoritairement des hommes qui commettent ces crimes. Il nous revient de changer cette culture », a-t-il martelé.

Malgré les manifestations et les discours présidentiels, le gouvernement sud-africain peine à convaincre. Le président Cyril Ramaphosa a récemment évoqué l’urgence de combler les “angles morts juridiques” et appelé à une meilleure application des lois existantes. Mais les militantes comme Siphiwe George, fondatrice de Women Waging War, dénoncent le manque de suivi : « Nous entendons ces promesses depuis trop longtemps. Il est temps de passer à l’action. » Pour elles, seule la déclaration de catastrophe nationale permettrait de débloquer des fonds, soutenir les refuges, et faire de la lutte contre les violences sexistes une priorité gouvernementale absolue.

L’heure de vérité pour les autorités sud-africaines

Le peuple sud-africain, et plus particulièrement ses femmes, a envoyé un message fort : il ne suffit plus de compatir, il faut agir. Si les manifestations se multiplient, la situation reste critique, avec une justice souvent absente, des lois mal appliquées et un climat d’impunité. L’Afrique du Sud saura-t-elle enfin se saisir de cette crise pour protéger durablement ses citoyennes ? La rue a parlé. À présent, la balle est dans le camp des dirigeants.

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