L’Afrique du Sud s’apprête à replier son éducation autour de l’administration centrale. Un projet de loi très controversé tente d’aller dans ce sens. Comment avoir une telle vision du centralisme dans un domaine qui devrait être contextualisé et délocalisé pour gagner en efficacité ?
Dans son article, Martin van Staden, fait un véritable plaidoyer pour une éducation décentralisée en Afrique du Sud. Il explique clairement en quoi la fièvre administrative pourrait être une véritable entrave à l’enseignement. Pour lui, personne mieux qu’un directeur d’école ne peut prendre des mesures qui épousent la réalité de son établissement.
Le gouvernement tente de centraliser l’éducation publique, éliminant ainsi la diversité éducative et l’innovation. Le projet de loi controversé sur la réforme du cadre juridique, régulant l’éducation, apporte des changements profonds à la loi-cadre des écoles sud-africaines. Pour que les principes constitutionnels tels que la démocratie, la liberté, la libéralisation, l’autonomisation, la primauté du droit, aient un sens, le gouvernement doit rester fidèle à ces préceptes et les appliquer fidèlement. La planification centralisée et les contrôles étouffants, introduits par le ministère de l’Education, privent ostensiblement les Sud-Africains de liberté.
Un système hyper centralisé
Le ministère prévoit d’encadrer sévèrement toute violation à la loi archaïque sur la scolarité obligatoire, et d’habiliter les fonctionnaires de l’éducation nationale à prendre des décisions qui devraient relever des directeurs d’écoles. Les pouvoirs de ces derniers sont limités au détriment des chefs des départements provinciaux de l’éducation. La justification de la loi sur la centralisation du pouvoir est au mieux faible. Cette fermeture va à contre courant d’une société libre où la politique de l’éducation devrait être dévolue aux écoles individuelles, et où les parents et les étudiants auraient la liberté de choix.
La centralisation proposée est problématique car les fonctionnaires de l’Education nationale ne possèdent pas les connaissances les plus actualisées et les plus pertinentes sur les écoles et les élèves. Ils ne connaissent rien à la réalité de ces écoles, sans quoi ils inciteraient à prendre des mesures rapides et appropriées pour répondre aux problèmes. Avec la centralisation, les réponses seront soit tardives et décalées, soit inappropriées. Seuls les directeurs des écoles sont à même de gérer les écoles qu’ils connaissent parfaitement du fait de leur compréhension contextualisée.
Le principal problème avec l’école publique est qu’elle souffre de la « fièvre bureaucratique ». Une maladie qui affecte plus ou moins toutes les entités gérées par l’Etat, que ce soit pour l’école, l’électricité, l’eau, la santé, l’exploitation minière, les routes, etc.
La fièvre administrative
Les dommages causés par la bureaucratie sont flagrants. Il suffit de comparer des personnes ayant les mêmes histoires, les mêmes niveaux d’éducation, les mêmes langues et les mêmes cultures soumises à des niveaux différents de bureaucratie. L’impact sur le niveau de vie est incontestable. Les exemples sont légion : l’Est contre l’Ouest de l’Allemagne, la Corée du Nord contre la Corée du Sud, la Chine continentale contre Hong Kong et Taïwan.
Le résultat est toujours le même : mauvais résultats économiques en cas de « fièvre bureaucratique » et meilleurs résultats lorsque la pression bureaucratique est réduite. L’Allemagne de l’Ouest, qui avait été gravement touchée par la bureaucratie fasciste, prospéra quand elle s’en est affranchie après 1945. La Grande-Bretagne, lourdement bureaucratisée pendant la Seconde Guerre mondiale, a mené une lutte effrénée pour s’en libérer et n’a eu son salut que grâce au gouvernement Thatcher. Tous les pays sont plus ou moins touchés par cette maladie. A l’observation, il est clair que les économies les plus libérées du poids de l’administration sont les plus prospères.
Une fabrique d’uniformité
Le projet de loi accentuant le dirigisme étatique peut avoir un autre impact négatif : « L’acquisition du savoir exige un environnement moderne exempt d’instruments anciens et discrédités », écrit Eustace Davie, dans « Unchain the Child » (2005). La scolarité obligatoire ne vise pas à offrir aux enfants une éducation adéquate, mais à surtout s’assurer qu’ils reçoivent le type d’éducation prescrit par l’éducation nationale.
Le projet de loi est d’ailleurs contraire au paragraphe 29(3) de la Constitution qui garantit le droit de créer des établissements d’enseignement indépendants tant qu’il n’y a pas de discrimination fondée sur la race et dont les normes sont identiques ou supérieures à celles des institutions publiques. Ainsi, les nouveaux critères qui dissuadent la création d’institutions indépendantes, sont peu compatibles avec les dispositions constitutionnelles. Rappelons que le projet de loi vise à donner aux chefs de département le pouvoir de décider, selon leurs propres caprices, ce qui est ou n’est pas dans le « meilleur intérêt » des apprenants sur tout le territoire national. Cela viole l’exigence constitutionnelle de l’article 1 (c) selon laquelle les pouvoirs discrétionnaires doivent être circonscrits et non absolus.
Plutôt que de centraliser avec tant d’énergie, c’est bien la décentralisation, en impliquant les directeurs des écoles, qui porterait ses fruits grâce à une fine connaissance de proximité. Les départements provinciaux de l’éducation et le département de l’Education nationale ne devraient servir qu’à fournir des structures de supervision et de soutien aux écoles individuelles, qui doivent avoir la liberté d’innover et de s’adapter à leur contexte. L’enseignement à domicile et l’éducation indépendante ne devraient être réglementés que si la Constitution l’exigeait. Ces institutions ont connu beaucoup de succès ces dernières années et ne devraient pas être perturbées.