Pendant les heures de cours, les élèves de l’école primaire de Clareville, dans la ville portuaire de Durban, sont à l’abri des moqueries et des railleries xénophobes. Mais les choses se gâtent lorsqu’ils quittent l’école.
« Les élèves du coin sont très gentils. Nous parlons et rions de nos différences et ça finit là », a dit Hoosen Niyokindi, un élève de dernière année de primaire, originaire de Bujumbura, la capitale du Burundi.
« Mais une fois que je quitte l’école, c’est autre chose. Les gens nous crient des noms comme amakwerekwere [ceux qui parlent en charabia], [ils disent] que nous venons leur voler leurs opportunités et leurs femmes », a-t-il dit à IRIN.
L’école a ouvert ses portes aux élèves étrangers en 1997. À l’époque, trois élèves de la République démocratique du Congo (RDC) la fréquentaient. Aujourd’hui, environ un tiers des 768 élèves sont originaires d’autres pays africains, et les élèves sud-africains viennent principalement d’une agglomération informelle qui s’est créée dans le voisinage.
Les parents de Hoosen Niyokindi l’ont envoyé à Clareville et il habite avec des membres de sa famille élargie à Point Road, [un quartier de Durban] où son oncle et sa tante ont été victimes des attaques xénophobes qui ont ravagé le pays en 2008 et fait des dizaines de victimes, ainsi que plus de 100 000 déplacés.
« Nous étions la première école de Durban à ouvrir nos portes à des élèves originaires d’autres pays – les autres écoles du coin avaient peur. Nous pensions que ces enfants étaient comme les autres, qu’ils avaient aussi besoin d’une bonne éducation et que nous ne pouvions pas leur refuser ce droit », a dit à IRIN Sam Bhairopersad, directeur de l’école primaire de Clareville.
Parmi ces élèves, plusieurs proviennent de pays francophones et lusophones. Pourtant, malgré la barrière de la langue, « la plupart d’entre eux sont si dévoués et travailleurs qu’ils remportent la majeure partie des prix décernés à la fin de l’année », a-t-il ajouté.
« Certains arrivent à l’école sans connaître un seul mot d’anglais… Nous avons mis sur pied un projet qui leur permet de venir à l’école plus tôt que les autres élèves pour assister à des cours d’anglais… En quelques mois, ils peuvent parler couramment l’anglais », a indiqué M. Bhairopersad.
Malgré des frais de scolarité annuels peu élevés (200 rands, ou 27 dollars), la qualité de l’éducation a pu être maintenue. « Nous faisons notre possible pour nous assurer que la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage demeure élevée. Les enseignants et les élèves arrivent à l’école à temps et y demeurent jusqu’à la dernière minute des heures de cours. Il y a aussi des cours particuliers pour les élèves à besoins particuliers », a-t-il dit.
La volonté de l’école d’accueillir les enfants des demandeurs d’asile et des réfugiés a été applaudie tant à l’échelle locale qu’internationale. Lors de la Conférence mondiale contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance, organisée par les Nations Unies en 2001, le Haut commissaire pour les réfugiés a visité l’école.
Cette visite a entraîné la remise d’une enveloppe de 90 000 rands (environ 8 200 dollars) destinés à réparer les salles de classe délabrées. Par ailleurs, l’école reçoit depuis maintenant deux ans un certificat d’appréciation du Durban Refugees Service Providers’ Network [Réseau des fournisseurs de services aux réfugiés de Durban].
Mahta Manyama, 15 ans, est arrivé à Clareville en 2005. Sa famille a fui la RDC et les rebelles au Sud-Kivu, et est arrivée en Afrique du Sud après quelques mois au Mozambique. Il parlait cinq langues, mais pas l’anglais. Depuis, il l’a apprise et étudie maintenant l’Afrikaans.
« Ce que j’aime de cette école, c’est que nous y recevons une bonne éducation. C’est différent de ce que nous apprenions en RDC, mais les enseignants se sont mis en quatre pour nous accueillir ici », a-t-il dit.
Selon Casandra Francis, enseignante d’Afrikaans à l’école primaire de Clareville, les élèves sud-africains et étrangers se mélangent bien à l’école, même si les seconds sont parfois confrontés à des attitudes xénophobes à l’extérieur de celle-ci.
Mbali Thusi, porte-parole du ministère de l’Éducation de la province du KwaZulu-Natal, a dit ignorer le nombre exact d’élèves étrangers. Elle l’a estimé toutefois à deux ou trois milles dans les écoles de la province, principalement dans les zones urbaines comme Durban.
« Il arrive souvent qu’une école appelle le ministère pour savoir s’il est légal ou non d’accueillir un élève étranger. Nous leur disons que si l’élève satisfait à toutes les exigences, il ou elle a le droit de s’inscrire. Maintenant, de nombreuses écoles les accueillent », a-t-elle dit.