De nombreux survivants de viols ne reçoivent pas les traitements qui leur permettraient d’éviter l’infection au VIH, par ignorance et par manque d’une offre adaptée dans les structures sanitaires gouvernementales, selon une nouvelle étude. Les homosexuels violés sont particulièrement ignorés.
Le Groupe national de travail sur les délits sexuels, un consortium de 25 organisations qui inclue la Clinique Teddy Bear pour les enfants abusés, et le Centre de conseils juridique Tshwaranang (TLAC) spécialisé dans les affaires d’abus sexuels, a remis les résultats de sa récente enquête à la Commission sud-africaine des droits de l’homme (SAHRC). D’après l’étude, près d’un tiers des praticiens des structures sanitaires gouvernementales dans les 31 centres nationaux de prise en charge du viol a dit ne pas considérer le viol comme un cas médical sérieux.
Si le viol n’a pas été signalé dans un poste de police, les personnels de santé dans les centres refusent aussi de fournir le traitement médical, dit de prophylaxie post-exposition (PEP), composé d’antirétroviraux, qui permet de prévenir le risque d’infection au VIH. « Etant donné le délai de 72 heures pendant lequel la PEP doit être administrée, cette répugnance des travailleurs de la santé a généralement des conséquences à long terme pour les survivants d’agressions sexuelles », a dit à IRIN/PlusNews Lisa Vetten, chargée principale de recherche et de programme au TLAC.
Par ailleurs, de nombreux services destinés aux victimes de viols sont situés dans les sections des hôpitaux réservées aux accidentés. « Ces salles sont très bruyantes, très fréquentées, pleines de sang, effrayantes… ce sont exactement les services inadaptés pour accueillir des patients victimes de viols », a-t-elle dit, soulignant que ce genre de lieu constituait rarement un environnement idéal pour une personne en état de choc. Moins de la moitié (47,2 pour cent) des structures visitées dans le cadre de l’enquête disposent d’une salle à part pour examiner les victimes, ces salles étant en outre souvent fermées à clé en dehors des heures habituelles de travail.
Homosexuels et prostitués sont souvent exclus des traitements
Un autre obstacle au traitement de ces victimes est « l’attitude antipathique, de jugement et impatiente » des travailleurs de la santé, qui empêche l’accès au traitement pour les personnes marginalisées telles que les gays, les lesbiennes et les travailleurs ou travailleuses du sexe. « Pour les gays qui survivent au viol, ce manque de sensibilité de la part de la police et des travailleurs de la santé signifie d’être étiqueté comme des personnes ayant des relations sexuelles multiples et donc méritant d’être violées », a dit Glenn de Swardt, directeur du Triangle project, un groupe de défense des droits des gays basé dans la ville du Cap, dans le sud du pays.
M. de Swardt a dit que l’homophobie et l’ignorance en ce qui concerne les viols d’hommes par des hommes empêchait souvent non seulement les hommes homosexuels, mais aussi les hommes hétérosexuels et jeunes garçons victimes de viols, d’avoir accès à la PEP. « Pour les hommes [hétérosexuels] il y a la peur d’être ‘efféminisés’ par leur communauté, mais cela est vrai aussi pour les familles de jeunes garçons, qui préfèrent garder l’agression secrète », a-t-il dit.
Partageant les inquiétudes de M. de Swardt, Shaheda Omar, responsable thérapeutique à la clinique Teddy Bear, a expliqué que de nombreux viols de jeunes garçons n’étaient pas rapportés à cause de cela. « Les jeunes garçons ont toujours compté parmi les victimes de viols, mais ce n’est que depuis récemment que les cas ont commencé à être rapportés », a-t-elle dit.
Le Groupe national de travail sur les délits sexuels a estimé que 42,7 pour cent des quelque 50 000 viols rapportés à la police en 2005-2006 concernaient des enfants, mais Mme Omar soupçonne que ce chiffre pourrait en fait être beaucoup plus élevé. Le viol étant défini par la loi comme un acte perpétré par un homme –ou garçon- sur une femme –ou fille-, les statistiques de la police ne prennent pas en compte les agressions sexuelles commises contre des hommes et des garçons.
Le rapport soumis par le Groupe de travail a aussi souligné que dans certains cas, le refus des médecins de venir témoigner devant un tribunal minait le processus légal.
« Les parents hésitent aussi à rapporter des cas, en raison de la peur de devenir à leur tour les victimes de l’auteur du viol, que la police est souvent trop lente, ou carrément incapable, d’arrêter », a dit Mme Omar.
Elle a souligné le besoin d’établir des discussions franches entre les parents et les enfants sur les questions sexuelles, sur les « bons et les mauvais gestes » de même que sur les dangers du VIH et ses moyens de transmission. Un Sud-Africain sur neuf vit avec le virus, selon les estimations nationales. La SAHRC a prévu d’organiser le mois prochain des débats sur « la disponibilité, l’accessibilité et l’acceptabilité » des services sanitaires.
Photo: Jaspreet Kindra/IRIN