L’Afrique du Sud dans sa réflexion sur la protection santé de ses populations a ouvert deux options : soit public, soit privé. En excluant avec force toute politique libérale, elle a instauré une couverture totalement publique. Les doutes sont grands quant à la réussite de ce système.
Dans son article, Michael Settas s’inquiète des choix politiques de l’Afrique du Sud en matière de santé. Non seulement par expérience ce modèle ne fonctionne pas mais un système public obligatoire conduira d’évidence à la mort du secteur privé de l’assurance maladie.
L’assurance Maladie Nationale (National Health Insurance, NHI) fait de grandes promesses, y compris des soins de santé de qualité, gratuits et complets pour tous les citoyens, ce qui rendra les régimes privés d’assurance maladie inutiles. Étant donné l’état précaire des soins de santé publics et le coût exorbitant de la couverture privée, cette utopie très attrayante est plutôt proche de la propagande.
Public ou privé ?
L’affirmation la plus douteuse est que la NHI est la seule voie pour l’implémentation de la couverture sanitaire universelle (CSU). Les analyses ayant porté sa faisabilité n’ont examiné que deux scénarios: privatisation complète ou nationalisation complète. Cela a forcé un choix de politique binaire entre deux idéologies opposées : le capitalisme de libre marché ou le socialisme de monopole. En matière de santé, les deux meilleurs exemples internationaux représentant chaque idéologie sont respectivement les États-Unis et Cuba. En ce sens, les États-Unis n’ont pas de CSU et ont le système de santé le plus cher du monde. Un système qui coûte 3,65 billions de dollars par an, ce qui le rend équivalent à la cinquième économie du monde. Le système de santé de Cuba a accompli la CSU, mais au détriment des droits humains. Il traite internationalement ses médecins comme des esclaves pour générer des revenus étrangers. Ces deux systèmes sont aberrants et irréalisables, mais pour décider comment accomplir la CSU, ce sont les idéologies sous-jacentes à ces deux systèmes qui ont été présentés comme les options politiques exclusives par le gouvernement sud-africain.
Sur le plan idéologique, il y a un refus total de la privatisation, donc la NHI est devenue la politique de facto. Malheureusement, on a confondu la CSU avec la NHI, comme s’ils étaient en quelque sorte inséparables. Permettez-moi de le dire sans équivoque: la CSU et l’INSA sont totalement incongrues. Aucun des deux ne dépend de l’autre et les seuls points communs factuels qu’ils partagent sont le mot «santé» et qu’ils sont tous les deux des abréviations à trois lettres. La réalisation de la CSU est un objectif politique louable et nécessaire, désormais considéré comme une norme internationale. Quant à la NHI, elle n’est qu’un type de mécanisme de financement dont il existe des dizaines de variantes internationales.
S’inspirer d’exemples dans le monde
Ainsi, le point de discussion ne devrait pas être « nous avons besoin de la NHI pour obtenir la CSU », mais plutôt « comment mieux atteindre la CSU ? ». En réponse à cette question, il existe de multiples variations internationales pour atteindre la CSU. Voici quelques observations sur la CSU dans le monde entier:
– L’écrasante majorité des pays qui mettent en place la CSU le font avec un montage financier combinant des fonds publics et privés. Le financement public se fait par le biais de crédits d’impôts et/ou de taxes sanitaires spécifiques, généralement dans un cadre fiscal progressif où les plus riches subventionnent les plus pauvres. Le financement privé est lui obtenu via des paiements directs et/ou une assurance préfinancée volontaire, qui peut également être structurée progressivement afin que les participants les plus riches subventionnent les plus pauvres au sein du pool de risques d’assurance. Même des pays riches comme l’Australie ont incité les citoyens à souscrire une assurance privée pour alléger la pression sur les soins financés par l’État. Par conséquent, environ la moitié des Australiens choisissent désormais de souscrire à une assurance d’hospitalisation privée.
-De nombreux pays dotés de la CSU réglementent également le partage des fonds susmentionnés, qu’ils soient publics ou privés, entre employeurs et employés.
-Certains pays ont réalisé la CSU uniquement grâce à des efforts réglementaires. Ces gouvernements (notamment le Pays-Bas) n’interviennent ni dans le financement, ni dans l’offre de soins de santé.
-La plupart des systèmes de CSU sont décentralisés et la prestation de services est gérée et décidée au niveau régional. L’Allemagne a une couverture obligatoire, mais les citoyens peuvent choisir parmi plus de 100 caisses d’assurance maladie.
-De nombreux pays réalisant la CSU n’opèrent pas de ségrégation entre les secteurs public et privé. Les bailleurs de fonds privés achètent des soins auprès de prestataires publics et vice versa. Au Brésil, la plupart des établissements de soins primaires appartiennent à l’État tandis que la plupart des hôpitaux sont privés, mais les deux types d’établissements sont financés par des fonds publics et privés.
-Dans certains pays avec la CSU, les niveaux de financement différents selon les régions en fonction des avantages et de l’accessibilité comme au Canada.
-Dans la plupart des pays avec la CSU, un ensemble défini d’avantages essentiels est universellement obligatoire, qu’il soit reçu via un financement public ou privé. Les niveaux de prestations sont toujours limités à ce que le pays peut se permettre, et il est typique que les services non essentiels (médicaments actifs, dentisterie, l’optométrie et/ou services médicaux connexes), soient exclus.
-Presque tous les pays avec la CSU ont des systèmes de co-paiements pour contrôler l’utilisation. Ces systèmes peuvent également être réglementés et gérés, comme en Norvège qui fixe un montant maximum que tout patient devrait payer dans l’année. De nombreux pays exemptent ou limitent également certains groupes de population vulnérables, par exemple les enfants et les indigents, des co-paiements.
-Les listes d’attente sont un autre mécanisme par lequel de nombreux pays avec la CSU gèrent les coûts et l’utilisation. Cela incite souvent les citoyens à acheter une assurance maladie privée pour contourner ces temps d’attente, comme au Royaume-Uni.
-Des critères d’admissibilité stricts sont généralement fixés pour les immigrants lors de l’accès à des soins financés par l’État, afin d’éviter un afflux de pays voisins avec des services de santé de moindre qualité.
Il est évident, même à partir d’un aperçu rapide de l’expérience internationale, que la réalisation de la CSU a un coût qui nécessite une gestion et des restrictions. Sur le plan international, la proposition de la NHI n’a pas d’équivalent. Il s’agit d’une aberration, en contraste frappant avec la réalité des expériences implémentées dans d’autres pays. La NHI représente un échec politique substantiel de la part du gouvernement, ce qui signifie que l’objectif de la CSU ne sera tout simplement pas atteint.
Michael Settas, conseiller stratégique dans le domaine de santé. Article initialement publié par la Free Market Foundation – Traduction réalisée par Libre Afrique (version élaguée).
Article publié en collaboration avec Libre Afrique.