On ne compte plus les graves problèmes écologiques dus à la déforestation anarchique en Afrique de l’Ouest et Centrale. Et malgré des efforts de contrôle des forêts, les sociétés, étrangères pour la plupart, continuent de couper du bois en toute tranquillité.
Au Liberia, la sécheresse menace de faire rage au cours des quinze prochaines années. Les réserves forestières ne sont pas utilisées de manière efficace, a mis en garde le ministre de l’Agriculture, M. Rolai Massaquoi, en avril dernier, selon l’agence de presse africaine, Pana. Les forêts tropicales représentent en effet une réserve d’eau capitale pour l’environnement. Une fois le bois coupé, les vents pénètrent et dessèchent le territoire.
Un phénomène type d’une déforestation mal gérée qui ne touche pas seulement le Liberia mais nombre de pays d’Afrique de l’Ouest et Centrale comme le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Nigéria où le Cameroun. » En Côte d’Ivoire, on coupe 300 000 hectares de bois chaque année. Aujourd’hui, il ne reste plus que 10 % des réserves forestières d’il y a 30 ans « explique Jean-Pierre Edin, de l’association Robin des Bois qui depuis 1985 lutte contre la déforestation anarchique dans le monde. » Sans parler des impacts indirects des routes forestières qui sont tracées, poursuit-il. Braconnage sauvage et industriel, corruption, disette, disparition de ressources alimentaires et pharmacopées comme le bubinga ou le moabi. «
Au Nigéria, au Liberia ou au Ghana, on a replanté des arbres non africains comme le teck, dernier cri de notre design occidental. Alors qu’une forêt tropicale peut contenir jusqu’à 300 espèces d’arbres. » Les replantations mono-spécifiques sont un leurre, poursuit Jean-Pierre Edin. Les feuilles du teck tombent sur le sol et empêchent la faune de se développer. C’est l’ensemble de la biodiversité qui souffre. «
Législation balbutiante
Pour enrayer le massacre des forêts, le Cameroun tente depuis 1994 de mettre en place un plan d’aménagement des forêts. Objectifs : la transparence des attributions de concessions, des discussions avec les partenaires locaux, la durabilité des forêts. » Cette loi est un échec politique et écologique, puisque la surexploitation des forêts n’a cessé de croître « déclare Samuel Nguiffo, secrétaire général du Centre pour l’environnement et le développement au Cameroun (C.E.D). Entre 1980 et 1998, les sociétés forestières sont passées de 106 à 479. « . Les gouvernements ont du mal à faire respecter leur législation, l’industrie du bois ayant souvent été l’unique alternative à leur crise économique.
A cette dernière, il faut ajouter le » diktat » de la Banque mondiale pour l’application des programmes d’ajustements structurels, la chute des cours des matières premières ces dernières années, le manque de moyens de contrôle des forêts. » En 1997, affirme Jean-Pierre Edin, il y avait au Cameroun cinq véhicules pour 3 000 agents de contrôle des Eaux et Forêts. «
Une autre raison du non-respect de la législation : la pression exercée par certains pays sur les autorités locales pour obtenir des concessions. La France notamment aurait pris l’initiative il y a quelques années d’échanger une remise de dette contre un accès préférentiel des sociétés françaises dans l’Est Cameroun. Selon le C.E.D., les Français détiennent près de 36 % des concessions (1 500 000 hectares) du pays. L’O.N.G. a recensé Bolloré avec 10 % des superficies attribuées ou Thanry et ses 16 % de concessions. En mars dernier, le ministre de l’Environnement et des Forêts du Cameroun a sanctionné 18 sociétés rendues coupables de pratiques frauduleuses dont C.F.C, une filiale du groupe Thanry. Celle-ci exploitait une concession dépassant le seuil légal des 200 000 hectares.