La démocratie, régime politique dont la vitalité s’exprime surtout à travers le respect de la Constitution, l’organisation d’élections libres permettant l’alternance au sommet de l’Etat est, de plus en plus, menacée en Afrique de l’Ouest, avec le vent des révisions opportunistes de la Loi fondamentale par les dirigeants pour s’éterniser au pouvoir. Dans cet élan anti-démocratique, Alpha Condé et Alassane Ouattara viennent de s’inscrire en tête de liste. A qui le tour prochainement ?
Malgré les protestations, les violences, les morts, le Président ivoirien, Alassane Ouattara, candidat à un troisième mandat, a fait organiser le scrutin, le 31 octobre 2020. Les résultats sont attendus pour mardi prochain. Et Alassane Ouattara sera tout bonnement réélu pour cinq nouvelles années, tout comme Faure Gnassingbé se fait réélire sans discontinuer depuis 2005 au Togo ; tout comme son ami Alpha Condé qui vient de réussir son coup de force constitutionnel, décrochant, à 82 ans, son troisième mandat.
Après le vote d’hier, tout semble désormais consommé, sauf extraordinaire. Alassane Ouattara aura son troisième mandat. Du moins, tout porte à le faire croire, pour le moment. D’ailleurs, pour couper court à tous les commentaires sur ce troisième mandat, Alassane Ouattara, en sortant du bureau de vote hier, s’est emporté devant micros et caméras : « La Côte d’Ivoire est un pays jeune, nous voulons la stabilité, nous voulons l’organiser. En Allemagne, Madame Merkel est en train de faire son 4ème mandat. Pourquoi vous n’en faites pas un problème ? Et en Italie, c’est la même chose ; vous devez arrêter d’imposer les normes de l’Occident aux Africains, nous sommes suffisamment majeurs pour gérer nos pays, nous le faisons en fonction de nos objectifs. La Côte d’Ivoire est un pays qui est sorti de crise et qui a besoin de stabilité, et c’est au nom de cette stabilité que j’ai personnellement accepté de faire ce mandat auquel j’avais renoncé, donc je crois que ça suffit comme ça, je vous remercie ».
Des propos qui s’apparentent ceux tenus par Alpha Condé, quelques jours plus tôt, en réponse à la réserve portée par l’Union Européenne et la France sur sa réélection : « Nous tenons à notre souveraineté, nous tenons à notre indépendance, nous n’accepterons pas de recevoir des ordres des autres pays. On n’a pas besoin de demander l’avis d’un pays sur ce que nous devons faire. Le seul à qui on doit demander de l’avis, le seul avis qui compte, c’est l’avis du peuple guinéen. Et nous avons fait les élections sans aucune aide extérieure. Nous avons fait le référendum, nous avons fait les Législatives et les Présidentielles sans qu’un franc ne vienne de l’extérieur. Parce que nous ne voulons plus du tout que les gens se mêlent de nos affaires. Or, s’ils mettent un peu d’argent, ils se mêlent. Donc, ne soyez pas surpris des comportements de certains Etats. Mais ça n’a pas d’importance, nous allons continuer à développer la Guinée et s’il plaît à Dieu, la Guinée ira très vite. D’ici quelques années, la Guinée sera la deuxième puissance après le Nigeria. C’est ça qui ne plaît pas à tout le monde. Mais je compte sur vous. Vous êtes l’armée du peuple, restez l’armée du peuple. C’est en vous que le peuple se reconnaît… », avait répliqué le Président guinéen.
En de pareilles occurrences, tous les chefs d’Etat africains, même les plus serviles, les plus dévoués à l’Occident se découvrent une subite volonté d’indépendance, se transforment en défenseurs de la souveraineté nationale. Comme s’ils avaient affaire à des moutons de panurge, comme si le peuple était dupe.
Avec le scrutin de ce samedi, les carottes semblent cuites. Le troisième mandat est apparemment acquis. Ce qui portera à deux le nombre de pays de la sous-région ouest-africaine où le troisième mandat aura prospéré, si l’on ne tient pas compte du Togo. On exagérera donc rien en faisant remarquer que la démocratie est en train de mourir de sa plus belle mort en Afrique de l’Ouest. Après Condé et Ouattara, à qui le tour ? Pourrait-on légitimement se demander. Car, « Jamais deux sans trois », dit l’adage.