Africom, le commandement militaire des Etats-Unis d’Amérique pour l’Afrique, fut lancé par Bush en 2008 sur l’instigation des néoconservateurs, connus aux Etats-Unis sous le diminutif américain « neocons » qui voyaient – et voient encore – partout des djihadistes affiliés à Al-Qaeda, y compris en Afrique, en Somalie par exemple.
Récemment, Africom est devenu une sorte de branche armée de la diplomatie étatsunienne en Afrique. Et il y a des gens qui suspectent que cette nouvelle ruée militaire vers l’Afrique n’ait rien à voir avec le terrorisme – que les USA semblent avoir provoqué en Somalie par leur interventionnisme dans ce conflit -, mais tout à voir avec la percée chinoise. En d’autres termes, un moyen de défendre l’approvisionnement de l’économie américaine en ressources naturelles dont regorge le continent africain.
Pourtant le ton de l’opposition à Africom monte aux Etats-Unis. Surtout parmi les Afro-américains. Ainsi, le 31 août 2009, la puissante organisation afro-américaine, la Conférence nationale des avocats noirs — la National Conference of Black Lawyers (NCBL) lançait une campagne en règle contre Africom, avec une longue lettre ouverte de quatre pages adressée au ministre de la Justice Eric Holder, lui aussi Afro-américain. La missive a été intitulée « Arrêtez Africom au nom de la Loi ! ».
A part les dangers juridiques que cette organisation voit dans l’engagement militaire américain aux côtés des armées des régimes africains, la lettre ouverte remet en question le principe même à la base de la création d’Africom. « Africom affirme que sa mission est « de promouvoir un environnement africain stable et sécurisé en appui de la politique étrangère étatsunienne ». Selon les déclarations publiques d’Africom, la mission est fondée sur la proposition selon laquelle Al-Qaeda et des forces terroristes opèrent en Afrique et présentent des défis aux gouvernements africains qui sont incapables de les relever sans l’aide américaine.
L’acceptation par le Président Obama d’une mission défectueuse pour combattre des terroristes qui ne sont probablement même pas en Afrique nous induit à penser = qu’il a été mal conseillé sur cette question. Selon toute vraisemblance, on l’a persuadé de faire sienne l’idée selon laquelle l’Afrique a besoin de l’appui militaire américain. A notre avis, la justification de l’existence d’Africom a été fabriquée de toutes pièces par l’Administration Bush dans le but de donner un prétexte pour utiliser des moyens militaires afin d’assurer la domination sur les ressources pétrolières africaines et de bloquer l’influence croissante de la Chine et des autres pays sur le continent africain. »
Rageh Omaar, un journaliste somalien d’investigation travaillant pour la chaîne qatarie Al Jazeera, s’est récemment penché sur Africom dans un reportage en 4 parties intitulé « Le Nouveau front de l’Amérique : Diplomates ou Combattants ? « , qui a été diffusé pour la première fois le 20 septembre. Rageh Omaar remet d’abord en question la triple ambition d’Africom : « Défense, diplomatie et développement ». Ces deux dernières tâches, dit-il, étant traditionnellement le travail des diplomates et des coopérants, mais guère celui des soldats. Des intervenants interviewés dans ce reportage, dont Hank Cohen, Sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines sous Bush père, s’étonnent de cette ruée américaine vers l’Afrique. Un continent, selon Cohen, traditionnellement non-aligné du fait de son passé colonial…
On ne s’étonnera donc pas de voir qu’un pays africain, le Liberia, se soit porté volontaire pour héberger le quartier-général d’une organisation militaire que certains considèrent comme la branche armée de la recolonisation de l’Afrique. Rageh Omaar rappelle aussi le passé trouble de l’interventionnisme américain en Afrique : l’appui étatsunien aux dictateurs africains de tous poils, dont Mobutu.
Le journaliste s’étonne aussi du fait qu’ Africom collabore activement avec les armées des pays qui ne contribuent pas particulièrement à la cause de la démocratie en Afrique : l’Ouganda et le Rwanda… Et ce, en contradiction flagrante avec le discours-leçon d’Obama à Accra, au Ghana…
L’Afrique sortira-t-elle indemne de l’assaut d’une machine militaire disposant d’un budget astronomique de 515 milliards de dollars ? La météo de l’indépendance de l’Afrique paraît en tout cas fort sombre pour certains analystes.
Lire aussi : Africom : les Américains ont débarqué en Afrique