Chaque année depuis 21 ans désormais, le festival Africolor vient, pendant les sombres mois
de novembre et de décembre en région parisienne, apporter de la couleur et de la joie directement
importés du continent africain, grâce à toute une série de concerts qui animent diverses villes de la
banlieue nord de Paris – le département de Seine-Saint-Denis, désormais connu sous le symbole « 9-
3 ». Cette année, il se tient du 12 novembre au 24 décembre.
Pour cette 22° édition, ce sont quelque 25 concerts qui, les vendredi et samedi pendant 6
semaines, égayeront les villes de Clichy-sous-Bois, Saint-Ouen, Pantin, Stains, Epinay-sur-Seine, etc.
Une belle réussite pour un festival qui a débuté, en 1989, avec 3 concerts seulement, et pour son
fondateur, Philippe Conrath, ancien journaliste de musiques noires à Libération, et qui a décidé un
jour d’arrêter d’écrire sur ces musiques, pour organiser un événement permettant de les faire
connaître à un vaste public en France. « La première année, on avait organisé un concert de la
chanteuse malienne Nahawa Doumbia, et on s’est retrouvés avec 2.000 personnes qui voulaient
entrer dans une salle de 700 places ! Parmi eux, il y avait 500 Maliens : je n’imaginais pas qu’ils
allaient venir aussi nombreux ! ». Le festival, très marqué « musiques maliennes » à ses origines – on
se souvient encore du titre d’un article – «Complète Mandingue « que Libération lui avait consacré à
ses débuts – s’est élargi au cours des ans à l’ensemble du continent, et il fait la part belle, aujourd’hui,
aux rencontres entre artistes africains et musiciens d’autres traditions musicales – jusqu’à la musique
classique, avec l’an dernier par exemple un concert mêlant musique éthiopienne et musique
baroque. Africolor devient aussi une fête multidisciplinaire, offrant aussi des projections de films – sur
la musique bien entendu – et des expositions, comme, cette année, « Gnawa, tradition et création »,
une expo-photo et installation sonore d’Augustin Le Gall. Et en coulisses, toute l’année, Africolor
organise désormais des résidences croisées d’artistes – entre la France et l’Afrique, entre musiciens
américains et africains, etc… – qui nourrissent les concerts de métissages et de rencontres musicales
qui nous sont ensuite proposés.
Chaque année des vedettes sont conviées, mais aussi des groupes moins connus. L’édition
2010 d’Africolor invitera ainsi le grand artiste sénégalais Omar Pène, qui depuis 30 ans a revivifié le
m’balax ; Mahmoud Ahmed, le roi de la musique éthiopienne des années 70, qui a contribué à faire
connaître cette musique à de nombreux fans dans le monde entier, et qui sera entouré ici de 8
musiciens bretons fondus de cette musique ; le Congolais Lokua Kanza, très apprécié en France, qui
chante, avec sa guitare, des chansons douces en lingala, en portugais et en français ; le Réunionnais
Danyèl Waro, l’un des plus grands artistes de maloya, ce chant créole de l’île qui connaît un véritable
renouveau actuellement; l’artiste kabyle Takfarinas qui chantera Slimane Azem, chanteur de l’exil
pour des générations d’Algériens (Saint-Denis est parfois baptisée la « petite Kabylie de France »); le
groupe marseillais Lo Cor de la Plana dans une rencontre avec le groupe algérien El Maya el Assila, de
Béni Abbès en Algérie, qui ont passé un mois en résidence à Marseille ; le groupe basque Oreka TX
(TX pour « txalaparta », percussion basque) qui se produira avec la chanteuse mauritanienne Aziza
Brahim ; mais aussi des groupes « français de métropole» fondus de musiques africaines, tel le
quartet lyonnais uKanDanz, comprenant Frédéric Escoffier, Guilhem Meier, Lionel Martin et Damien
Cluzel, qui mêlent rythmes éthiopiens, rock , et autres styles…
« Ce festival a été pionnier pour faire connaître les musiques africaines en France, et
maintenant ça se diffuse un peu partout », comment Jérôme-Paul Hazard, producteur de musiques du
mondes chez Nola Music. Le festival permet notamment à de nombreux artistes africains de vivre
désormais de leur musique, tel le joueur de n’goni Moribo Koïta, au programme de tous
les « Africolor » depuis 1993, et qui est désormais installé en France. « Avant, je jouais pour manger,
dans les baptêmes, les mariages, les invitations. Maintenant je joue dans des concerts avec des
chanteurs maliens, burkinabé, des artistes français… J’accompagne beaucoup de vedettes : Manu
Dibango, Salif Keita, Cheick Tidiane Seck, Hank Jones, le guitariste de jazz Claude Barthélémy… ».
La musique africaine non plus invitée mais enracinée en France : voilà sans doute, au-delà de
la seule explosion du nombre de concerts et de spectateurs, l’une des plus belles réussites
d’Africolor…
Tout le programme sur le site d’Africolor