Plus qu’un message, ce deuxième album est une prophétie fantastique, celle d’une mégalopole désertée, secouée par une musique percutante, vestige d’un monde lointain. C’est la force de ce groove que de garder la danse intacte, arborant presque obstinément une joie arrogante pour mieux provoquer l’inhumanité menaçante de ce portrait de couverture, personnage d’un genre humain nouveau: entre androïde et négroïde.
Africanization est un processus musical où l’afrogroove des Bantunani s’affranchit et affirme son identité: le travail et le soin des arrangements inscrivent l’agrégation d’influences dans la dynamique d’un groove universel.
En tant que cité qui se veut cosmopolite, Africanization est traversée de tendances, fruits de nombreuses collaborations artistiques qui oscillent entre la funk fusion, l’afrobeat, le ragga, le hip-hop en passant par la pop avec, toujours, en arrière fond, le soukouss natal qui vient marteler une présence africaine. La douceur des choeurs alliée à la malice des guitares et des mandolines apporte une grâce envoûtante aux refrains.
Mais cet album est aussi le théâtre de la dualité: d’un côté, l’agressivité, la violence parfois de la cité moderne déchue qui transparaît dans les partitions instrumentales et les voix des leads, de l’autre , les choeurs féminins en lingala qui proposent un retour aux valeurs saines et à la tradition.
Les textes, travaillés, subtils, parfois sophistiqués, d’une grande sensibilité, intelligents. Le ton général se veut libre et satirique. Derrière cette écriture, la plume de Michel Nzau précise le concept de la trinité musicale: « je pense, je danse donc je suis ». On côtoie différents styles et différentes langues comme pour faire entendre le message humaniste d’un groupe cosmopolite uni par l’amour de la mélodie harmonieuse.
Il règne sur cet album ambitieux et mélancolique que l’on voudrait parfois intime, un caractère sauvage dans un climat de désillusion inquiétant.
