Plus de 10 ans de carrière et toujours le même succès. Africando en est, avec « Martina », à son sixième album. Le Béninois Gnonnas Pedro, un des piliers du groupe panafricain depuis 1995, revient sur le concept salsa africain développé par l’arrangeur Boncana Maïga.
Le meilleur de la salsa africaine. La réputation du groupe panafricain Africando n’est plus à faire. D’une part, parce que chaque membre du groupe jouit d’une notoriété personnelle acquise à travers sa propre formation et d’autre part, parce qu’Africando en est déjà à son sixième album – Martina, sorti le 30 mai dernier – et a plus de 10 ans de carrière derrière lui. Le Béninois Gnonnas Pedro est arrivé au sein du collectif en 1995, il nous explique les fondements d’un concept au centre duquel on retrouve l’incontournable arrangeur malien Boncana Maïga.
Afrik : Quel est le concept d’Africando ?
Gnonnas Pedro : C’est le rassemblement des chanteurs ténor de l’époque de l’indépendance dans chaque pays d’Afrique où il y avait un orchestre de musique afro-cubaine. C’est le producteur Ibrahim Sylla et l’arrangeur Boncana Maïga qui en ont eu l’idée. Le groupe est un creuset artistique qui nous permet de nous rapprocher de nos cousins cubains. Il témoigne d’une volonté de ralliement pour une musique qui reste d’origine africaine. C’est la rumba congolaise et le high life ghanéen, déportés avec les esclaves dans les Caraïbes, qui ont fusionné pour donner la musique afro-cubaine. Le Bénin, le Dahomey à l’époque, a également beaucoup influencé cette musique, notamment à travers la culture et les rites Yorubas et vodou.
Afrik : Chaque artiste d’Africando mène sa propre carrière solo, comment faites-vous pour travailler au sein d’un même groupe ?
Gnonnas Pedro : Malgré nos carrières personnelles, nous accordons la priorité à Africando. L’élément central d’Africando est Boncana Maïga. Pour le groupe, il nous commande à chacun un morceau, nous lui donnons notre maquette et il fait tous les arrangements. Il faut rappeler que Boncana a fait partie d’une des toutes premières formations afro-cubaines du continent, Maravillas de Mali, et qu’il a fait neuf ans au conservatoire à Cuba. Ce qui lui permet aujourd’hui de créer des arrangements au timbre cubain. Il fait appel à des musiciens cubains qu’il dirige lui-même en studio et c’est nous qui chantons dans nos langues.
Afrik : Vos maquettes sont des morceaux originaux ou des morceaux de vos répertoires respectifs ?
Gnonnas Pedro : Il s’agit essentiellement des succès de chacun dans son groupe respectif à l’époque. Boncana et Ibrahim Sylla font les choix artistiques pour construire les albums.
Afrik : Les artistes invités sur vos productions et qui n’ont pas la salsa pour registre ont-ils du mal à trouver le bon ton ?
Gnonnas Pedro : Ce qui réunit tout les chanteurs africains, c’est le rythme. N’importe quelle chanson africaine peut être adaptée sur le rythme afro-cubain par le grand maître Boncana. Et puis les chanteurs invités ne sont pas des moindres. Ils ont fait leur parcours et ont prouvé depuis longtemps leur valeur artistique.
Afrik : Quels rapports peut-on établir entre l’Afrique et la salsa ?
Gnonnas Pedro : La salsa assure aujourd’hui la promotion d’une musique que nous appelions afro-cubaine. « Afro » pour l’Afrique, « cubain » pour les Africains qui sont partis à l’époque à Cuba. La musique afro-cubaine vient d’Afrique.
Afrik : Africando est-il un groupe uniquement panafricain ?
Gnonas Pedro : Les grands chanteurs cubains, comme Patcheko, Rudy Casavo et autres, ont plaisir à se rallier à cette formation panafricaine. Je crois que nous avons dépassé le cadre strictement panafricain pour atteindre une dimension « panaficamundo » (rires).
Afrik : Pourquoi l’album s’appelle-t-il « Martina » ?
Gnonnas Pedro : Chaque titre d’album a une histoire et la discographie d’Africando répond à une volonté de décliner un aspect particulier de la culture africaine. Elle véhicule un message à l’attention du continent. Gombo Salsa faisait allusion à un met que les Africains affectionnent particulièrement. Pour Doni Doni*, qui signifie « Petit à petit », il s’agissait d’évoquer notre optimisme pour la paix et la reconstruction de notre continent déchiré par les guerres. L’album Martina parle de la beauté africaine, notamment avec le titre « Lindas africanas » qui est un clin d’oeil au tube cubain « Lindas cubanas ». On ne peut pas parler de beauté africaine sans parler de la femme africaine, c’est pour cela que nous avons intitulé l’album Martina.
* Du nom de la célèbre reprise des Bembeya Jazz de Conakry (Guinée)