Une Sénégalaise de la diaspora a lancé un site web permettant aux Africains d’acheter les produits de grandes enseignes occidentales en s’adaptant à leurs moyens de paiement. Une première dans le commerce électronique avec l’Afrique.
C’est une femme élancée, classieuse, qui entre dans le café Chez Dupont à côté de la Bibliothèque, à Paris. Tenue classique chic, regard chaleureux, Fatou Traoré a quitté Dakar en 1986 pour vivre en France où elle a connu un joli parcours de cadre dans le commerce international.
Et elle aurait pu continuer à couler des jours tranquilles à Paris entre un job confortable et sa famille. Si ce n’est qu’à la longue, dans les boîtes d’import-export où elle travaillait, à force de remplir des containers à destination du monde entier, elle a commencé à se demander pourquoi il reste si compliqué d’exporter des robes, des ordinateurs ou des vélos d’appartement en Afrique, que des clients africains auraient pu commander sur Internet, comme n’importe qui. Voilà quelque chose qui n’existe pas, se dit Fatou, qui passait une partie de son temps à envoyer à ses amis dakarois les produits occidentaux qu’ils convoitaient. “Il y avait jusqu’à présent beaucoup de freins au e-commerce avec l’Afrique, explique-t-elle. Si vous commandiez à la Redoute, chez Price Minister ou Amazon depuis Dakar, vous n’étiez pas livrés! Cela nécessite une logistique coûteuse pour une clientèle encore restreinte, mais ce n’est pas l’unique raison. Le principal obstacle, ce sont les moyens de paiement. Les cartes bancaires de type Visa sont encore peu répandues, même auprès de la classe moyenne d’Afrique de l’ouest. Il faut développer des solutions proches des habitudes locales“.
Vient alors pour Fatou l’heure du grand saut, celui de la création d’une entreprise de commerce électronique dédiée aux Africains du continent et de la diaspora. Son site, Afreecom, est depuis peu entré en phase opérationnelle, après plus d’un an de développement. Forte de son expérience dans le commerce international, Fatou convainc une demi-douzaine de « partenaires » d’entrer dans l’aventure de son site marchand. Ce sont des enseignes importantes telles qu’Amazon et Price Minister,
Marks & Spencer ou La Redoute. Avec eux, et grâce au talent de son fils informaticien, Fatou bâtit son projet avec étude de marché, faisabilité, business plan et force patience.
Paiements couleur locale
Proposer une vitrine de produits issus de ces enseignes à des clients de Dakar, de Saint-Louis ou de Thiès est le premier pas de cette aventure. Avantages pour les enseignes partenaires : elles touchent un marché africain qu’elles connaissent peu et ne s’occupent ni de la livraison ni du paiement.
Ces deux épineuses questions, non dénuées de risque, reposent sur les épaules de Fatou. Négocier avec les transitaires, organiser un convoyage en camion pour la livraison à destination après l’arrivée des colis au port, l’aspect logistique ne présente pas de difficultués particulières pour la spécialiste de l’import-export. Reste le paiement. Fatou s’envole pour Dakar afin d’étudier les moyens de paiement astucieux qui se diffusent en Afrique. Elle découvre la carte Ferlo, sorte de porte-monnaie électronique distribué dans la zone monétaire de l’Afrique de l’ouest (UEMOA), qui se charge dans les banques ou chez des commerçants via des espèces transformées en crédit sur la carte. Cette carte ne nécessite pas de disposer d’un compte bancaire et permet de payer des achats en ligne. « Ce système est apprécié par les jeunes branchés qui commandent en ligne, commente Fatou.
« Mais il me fallait aussi m’adapter aux Africains qui se méfient des procédés électroniques et veulent payer en espèces. J’ai donc approché des commerçants locaux qui acceptent d’être dépositaires des produits que les clients viendront retirer. J’en ai plusieurs dont un hôtel-restaurant aux Almadies [un quartier huppé de Dakar], un cybercafé Orange et deux supérettes ». Qu’ils aient payé par carte ou en espèces, les clients viennent retirer leur marchandise chez ces dépositaires. Ces derniers collectent également les fonds en espèces pour les envoyer à Afreecom qui délivre alors, une fois l’argent arrivé, un code électronique de validation du paiement pour le client.
Prochaine étape : le paiement par téléphone qui se développe à grande vitesse au Sénégal, avec des formules liées à des banques ou à des opérateurs de téléphonie mobile.
Un tandem mère-fils
« Jamais je n’aurais pu boucler ce projet sans le concours de Nicolas, commente Fatou avec un sourire visiblement admiratif. Le jeune Nicolas Garin est le fils de Fatou et la cheville ouvrière du « back-office » du site, autrement dit, de la complexité technique de l’affaire. Salarié d’une société informatique, il a consacré – et consacre encore- soirées et week-ends à construire le site Afreecom et à intégrer les technologies de paiement en ligne. Ni Fatou ni son fils ne peuvent, pour l’instant, se rémunérer grâce à Afreecom mais le site est encore tout frais. « Je vais me rendre à Dakar pour le faire connaître un peu mieux », a décidé Fatou qui veut lancer son site dans les pays voisins comme le Burkina Faso « et peut-être la Côte d’Ivoire et le Mali », juge-t-elle prudemment.
Reste un chantier à peine esquissé, mais que Fatou et Nicolas ont à coeur de développer : la rubrique « Découvrez l’Afrique » du site Afreecom, qui accueillera les produits de créateurs et d’entreprises africaines innovantes. « J’aimerais valoriser la création et le savoir-faire spécifiques de l’Afrique. Pour l’instant, cet espace sert à une mise en contact, mais il va s’étoffer. Tu comprends, conclut-elle, si je me suis embarquée dans cette aventure d’Afreecom, c’est parce que j’ai toujours eu envie de participer à ma manière au développement de mon pays. Modestement, en donnant la possibilité aux Africains de faire leurs emplettes de produits occidentaux et de proposer en retour leurs meilleures idées ».
www.afreecom.net