La justice hollandaise a entamé ce mardi un nouveau procès du navire qui avait pollué le port d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, il y a quatre ans. Elle souhaite établir que Trafigura, l’affréteur du cargo, connaissait la nature toxique des déchets transportés. La compagnie ne s’est pas fait représenter. L’ONG Greenpeace a produits des témoignages d’Ivoirien liés à l’affaire, qui affirment avoir été soudoyés pour mentir au profit de Trafigura. Ces éléments pourraient donner une nouvelle envergure à l’affaire.
Rebondissement judiciaire dans l’affaire du Probo Koala en Hollande. Après la justice ivoirienne qui a clos il y a deux ans l’épisode africain du scandale de ce cargo chargé de déchets toxiques, le tribunal d’Amsterdam, la capitale hollandaise, a entamé mardi, en l’absence des principaux prévenus, l’examen d’un nouveau versant du dossier, lié au passage du navire sur son territoire en 2006.
Avant de déverser sa cargaison toxique sur le port d’Abidjan en août 2006, causant la mort de 16 personnes, le Probo Koala, battant pavillon panaméen, avait fait escale à Amsterdam quelques semaines plus tôt, où il souhaitait se débarrasser de cinq-cent-mille litres de « slots », un mélange de pétrole et de soude caustique hautement toxique. Mais ayant constaté la dangerosité de ces déchets, APS, la société du port de cette ville, avait présenté une facture jugée trop élevée par l’affréteur, la multinationale Trafigura, troisième négociant en pétrole du monde. La firme avait alors opté pour l’Afrique.
C’est cette escale qui intéresse la justice néerlandaise, qui ne s’intéressera pas au volet africain de l’affaire. Elle poursuit Trafigura, mais aussi la société du port d’Amsterdam, APS. Le ministère public néerlandais entend démontrer que Trafigura a dissimulé la nature des déchets. Ce qu’a toujours nié la compagnie. Mardi, à l’ouverture de ce procès, ni le capitaine ukrainien du Probo Koala, Sergiy Chertov, ni aucun représentant de Trafigura n’a fait acte de présence à la barre. Seule la société APS et la ville d’Amsterdam ont été représentées.
Témoignages achetés
Ce nouvel épisode judiciaire, ajouté à de récents rebondissements, laisse penser que l’affaire du « Cargo de la honte » est loin d’être terminée. En dépit des manœuvres de Trafigura, pour y mettre un terme.
En février 2007, la société avait obtenu de l’Etat ivoirien l’abandon des poursuites judiciaires contre le versement de 152 millions d’euros. Un an plus tard, la cour d’assise d’Abidjan avait élargi ses responsables, dont son PDG, le Français Claude Dauphin, maintenu cinq mois en détention préventive. Seuls deux lampistes ivoiriens de l’affaire avaient écopé de peines de prison ferme. De nouveau, en septembre 2009, Trafigura a consenti de verser 31 millions d’euros d’indemnités, pour mettre un terme à des poursuites collectives engagées, à Londres, par 30 000 victimes ivoiriennes des déchets du Probo Koala.
Cependant, l’ONG internationale Greenpeace a déposé, le mois dernier, devant la cour d’Appel de La Haye, des témoignages qui pourront alimenter un procès portant sur la totalité de l’affaire contre Trafigura. L’ONG a en effet recueilli, en Afrique de l’Ouest, sept dépositions, dont ceux de cinq chauffeurs de camions ayant participé au déversement de la cargaison toxique du Probo Koala à travers Abidjan. Ceux-ci soutiennent avoir été corrompus par les émissaires de Trafigura, pour produire de faux témoignages, attestant que les produits transportés par le Probo Koala n’étaient pas mortels.
Les faits se seraient déroulés en 2008, avant le procès en dédommagement des 31 000 victimes ivoiriennes affectées par les déchets. Les cinq camionneurs auraient alors accepté de faire des fausses déclarations, contre la promesse de toucher chacun 150 millions de francs CFA (228 700 euros). Une somme dont ils n’auraient reçu que des miettes, d’où leur retournement contre la société. Ils réclament réparation de leur préjudice, et la construction d’un hôpital en Côte d’Ivoire, où seront soignés les victimes du Probo Koala.
Pour le procès ouvert ce mardi à Amsterdam et qui doit s’achever début juillet, Trafigura encourt une amende de 1,34 millions d’euros.